Dans The birds (Alfred Hitchcock bien sûr, 1963) Veronica Cartwright joue le rôle de la petite fille, la sœur du héros, prise dans une invasion agressive et inexpliquée de toute une branche du règne animal (même si l’explication la plus prosaïque est la revanche de la nature contre l’humanité).
Quelques années plus tard, après avoir survécu à cette invasion, la même actrice préserve son intégrité jusqu’à la fin de The body snatchers (1978) de Philip Kaufman traduit à la première adaptation en 1960 par Don Siegel en L’invasion des profanateurs de sépulture alors que de profanateurs dans ce film il y en a encore moins que de sépultures. En réalité, « body snatchers » signifie : ceux qui substituent les corps ; laissons à la langue politiquement correct d’aujourd’hui l’initiative de ce genre de falsification. Dans cette nouvelle version, donc, Veronica Cartwright sera le seul personnage à ne pas être remplacé par les fameuses créatures végétales et extra-terrestres invasives.
Elle revient dans Invasion, dernière adaptation de The bodysnatchers, qui substitue au thème de la substitution celui de la possession (par une bactérie extra-terrestre). Il y est question de contagion, de lockdown (confinement, vous savez, ce mot qui avait une signification médicale totalement différente en Europe jusqu’en mars 2020) de dépistage (c’est une fiction ; dans la réalité, on le sait, désormais, on ne dépiste pas, on enferme les populations). Son personnage est immunisé contre la maladie, tout comme le fils de l’héroïne interprétée par Nicole Kidman. Le personnage que joue celle-ci se définit incidemment, lors d’un dîner, comme une « féministe post-moderne ». Contrairement à la version d’Abel Ferrara (1993), qui traitait de manière habile et retorse la possibilité du remplacement successif de la mère, du père et du frère de l’héroïne, le suspense d’avance éventé de cette version tient essentiellement à la séparation entre la mère et son fils, un peu comme si le scénario avait été écrit par l’avocat de la mère.
D’ailleurs les hommes sont tenus en respect : le père divorcé du petit garçon est le premier contaminé et la contagion semble une sorte de prétexte à faire jouer sa tentative de se réapproprier son enfant (dans la réalité, la justice discrimine systématiquement les hommes) dont la relation avec la mère est montrée comme quasi-fusionnelle. Celui que le spectateur est censé identifier comme “love interest” du film (joué par Daniel Craig, quand même) n’est défini dans un premier temps par la « féministe post-moderne » que comme « meilleur ami », relation dont rêve tout homme hétérosexuel normalement constitué. C’est un choc pour le spectateur, habitué à ce que le cinéma lui offre un couple (sauf s’il s’agit d’une comédie) ; mais on a un peu l’impression que les scénaristes enfoncent le clou du féminisme (dans le cercueil du couple) en se sentant obligés d’indiquer qu’une femme accomplie est une femme qui n’a pas besoin des hommes.
Mais il ne faut tout de même pas oublier que les dialogues qui valorisent une femme se définissant comme « féministe post-moderne » sous le regard admiratif du personnage masculin le plus sympathique, sont écrits par des hommes et qu’en 2007, on n’en était pourtant pas arrivé à une telle épuration politiquement correcte du cinéma (qu’il soit d’ailleurs grand public ou “d’art et d’essai”). J’y reviendrai ultérieurement avec les exemples de The incredibles 2 et Murder on the Orient-Express.
Curieusement, le film commence dans un monde où il est normal de se droguer pour affronter les épreuves de la vie quotidienne (Kidman est psychiatre), aux médicaments et au sucre. Ce monde est bien le nôtre. Le sucre est la drogue autorisée des enfants, l’action du film se déroule autour d’Halloween et en ce qui concerne le monde adulte, s’il existe encore, c’est Halloween tous les jours sur ordonnance (au sujet de l’intoxication par les drogues, les médicaments et l’alcool, je recommande le beau roman de Bret Easton Ellis Lunar Park ; le roman n’a pas besoin de le dire mais par « usage thérapeutique » ou « récréatif », on entend empoisonnement). Ce qui fait que le spectateur peut se demander ce que l’humanité occidentale peut s’infliger de plus ; il est vrai qu’en 2007 les smart-phones – dont les Bill Gates, Zuckerberg et consorts interdisent formellement l’utilisation à leurs enfants – et la 5G n’existaient pas encore…
Incidemment, Nicole Kidman jouait aussi dans le très médiocre remake de The Stepford wives, adaptation transformée en comédie ratée, mais dont l’absurdité était intéressante. C’était une nouvelle adaptation du roman d’Ira Levin (aussi auteur du roman Rosemary’ baby) où les hommes remplacent leur femme par des robots (parce que c’est le rêve de tous les hommes). A ceci près qu’avoir été remplacée, happy end oblige, le scénario trouvait le moyen de renverser l’opération (sans résoudre la contradiction interne avec le fait qu’il avait montré dès le début que les robots étaient véritablement des doubles suggérant que les “originaux” étaient supprimés)
Nicole Kidman a de l’entrainement avec la relation fusionnelle elle en a aussi avec la peur irrationnelle d’une exposition à l’extérieur ; elle n’est pas la seule puisque même des médecins nous expliquent sans rire que les personnes qui sont immunisées sont celles qui sont entrées en contact avec le virus et que ce serait pour cela que les autres devraient éviter tout contact avec le virus… (www.youtube.com/watch?v=msIxdxT01nY&t=500s)
Incidemment, je suis tombé sur la vidéo très intéressante filmant le témoignage d’un analyste politique Biloa Ayissi (ancien directeur de l’hebdomadaire Jeune Afrique) qui disait que le confinement était une aberration puisqu’il se produit, quand le système immunitaire n’est pas confronté à d’autres, un phénomène qu’il a appelé “inceste viral” – expression que je n’ai pas trouvée sur internet. Biloa Ayissi explique donc que le système immunitaire a besoin de se confronter à des agressions pour rester efficace et que l’isolement pourrait le dérégler, de sorte qu’il risquerait se retourner contre lui-même. Que les personnes qui en sachent plus sur ce point n’hésitent pas à intervenir.
https://www.facebook.com/valere.mbongue/videos/3903003553074676
Soit dit en passant, ne vous laissez pas intimider par les gens qui traiteraient Biloa Ayissi de complotiste sous prétexte qu’il fait d’entrée de jeu allusion aux illuminati. Complotiste, faut-il le préciser, n’est pas un argument.
Pour revenir à Nicole Kidman, elle s’acharnait dans The others à éloigner ses enfants de la lumière du soleil et à les enfermer pour leur bien. Une belle fable. Toute ressemblance avec une époque existant actuellement serait fortuite.
(Illustration de Charles Burns, page de garde du magnifique album Dédales)