Nombreuses sont les anecdotes qui pourraient sinon résumer la vie moderne, du moins alimenter la constellation des micro-destinées en régime démocratique. Il y a quelques mois, j’ai donné un cours de français à quatre jeunes femmes de quatre nationalités différentes grecque, espagnole, iranienne et qatari (1). C’était un cours très gai, d’autant que mes quatre participantes avaient un très bon niveau de conversation et se montraient disposées à parler de toutes sortes de choses. Cela dit je ne me suis jamais laissé aller à évoquer le système d’apartheid (2) qui nous a conduits en 2021 et 2022 à nous faire injecter des produits inconnus et expérimentaux. Je ne me suis pas vanté d’avoir moi-même participé il y a une trentaine d’années, à une étude clinique. C’était pour des déodorants. J’avais signé un contrat. J’avais été payé. Ç’aurait peut-être été malvenu auprès de personnes de qui on a potentiellement obtenu qu’elles le fassent gratuitement. Pendant ces semaines de cours semi-intensifs, la conversation est allée bon train. La participante qatari, une jeune femme qui disait avoir quitté l’islam mais sans le dire à sa famille pour ne pas se trouver en situation de bannissement, nous a parlé des paradoxes wahhabites (variante de l’islam en vigueur dans les émirats arabes), de la manière dont les hommes se montraient rigoristes au pays, envoyant leurs principes aux orties quand ils séjournaient à l’étranger ; elle nous a expliqué aussi que les Qataris cultivaient une mentalité tribale (terme anthropologique qui n’a rien de péjoratif) puisqu’ils refusent souvent que leurs enfants se marient en dehors de la communauté proche, voire en dehors de la famille… Ont été évoqués aussi des sujets aussi divers que les métiers des spectacles, les élections, la vie dans un pays en crise financière grave… Sur des sujets que je connaissais, dans un climat de confiance, je ne me suis pas privé de donner parfois mon avis (car j’estime qu’au delà du secret de l’instruction, même en ce qui concerne des fonctionnaires ou des policiers, le « devoir de réserve » n’est qu’un pacte d’appartenance de l’individu au pouvoir et contrevient à la liberté de conscience). Je ne sais pas si c’est cela qui m’a valu d’apprendre, quelques semaines plus tard, ce qui suit. L’administrateur de l’école où j’avais donné ce cours m’a fait savoir qu’une des participantes (et je n’ai aucune idée de son identité) se serait plainte d’avoir entendu des propos « complotistes » pendant ce cours. Outre que « complotiste » n’a aucun sens précis ni défini, j’ai répondu que d’une part, il était un peu tard pour m’en informer, que d’autre part, nous étions alors entre adultes responsables de nos propos. La lâcheté ordinaire va loin (et peut probablement favoriser bien des carrières ; on l’appellera alors courage, intégrité…). Non seulement les instances auprès de qui l’étudiante s’était adressée l’avaient prise au sérieux sans me demander mon point de vue, mais l’administrateur qui me faisait passer le message déplorait que la personne qui s’était plainte était précisément une à qui il avait recommandé ce cours, le pauvre. Selon une logique qui m’échappe, il n’avait pas le droit de me dire le nom de la plaignante… plainte anonyme, professeur exposé, tous les principes de l’équité sont respectés ! Ainsi que les conditions apparentes du complot contre une personne : secret et intention de nuire. Nous vivons donc dans une société où une (moindre) injustice parmi d’autres est qu’un professeur indépendant, soumis aux caprices du marché et de ses employeurs, de ses clients, de ses élèves, etc. donnant cours pour des structures officielles (en l’occurrence Actiris, agence nationale pour l’emploi dont, comme toutes les institutions il a été jugé indispensable que le nom ne signifie rien de reconnaissable) distribuant des formations et des cours gratuits, risque de perdre tout crédit sur la base d’une dénonciation ; dénonciation qui n’est contrebalancée par aucun commentaire positif. Il ne suffit donc pas de fournir un travail de qualité, vous l’aurez compris. Une consolation est que si je perds des revenus suite à ce genre de mésaventure, le retard de paiement de cotisations sociales trimestrielles n’est que de 7 % (oui, quand on ne peut pas payer ses cotisations sociales, on est – et c’est bien normal après tout – sanctionné) si on franchit le seuil de l’année, et de 3 % seulement (sur une base trimestrielle de 800 euros environ) si l’année n’est pas encore écoulée. J’en apprécie d’autant plus l’ironie résidant dans le fait d’avoir donné cours à des « demandeurs d’emploi ». Et c’est un des nombreux et moindres bienfaits de l’usure comme mode de gouvernement. Les employés jouissent de ce qu’on appelle « sécurité de l’emploi ». Sont-ils mieux lotis ?
(1) Les informations sur les participantes ont été modifiées (2) Apartheid signifie « ségrégation »
J’ai eu hier l’occasion d’expliquer à une élève japonaise ce que c’est que la mauvaise foi. Ce que j’ignorais et que m’apprend la vidéo de l’émission Karambolage La mauvaise foi, un art très français, c’est que Jean-Paul Sartre (dont une paresse bien inspirée et mes préjugés m’ont toujours tenu éloigné, probablement à cause de son ennuyeux statut de mandarin et de sa complaisance vis-à-vis des communismes stalinien et maoïste) s’était approprié cette notion dans Huis clos pour en déformer la définition ; selon lui l’homme naissait libre – ce qui ne veut rien dire depuis que Rousseau l’a écrit, à moins de décider que la liberté, c’est la dépendance totale vis-à-vis de la mère. L’enseignement secondaire occidental nous gave comme des oies de cette notion de liberté. Elle ne nous en donne jamais de définition, se contentant de nous persuader que libres, nous le sommes puisqu’on nous le dit, et de source sûre : l’enseignement occidental lui-même (pour simplifier ; il est républicain en France, fédéral en Belgique, pour la différence que cela fait). L’enseignement français ou belge ne nous apprendra peut-être jamais ce que c’est qu’un raisonnement circulaire, ce que signifie être juge et partie, pas plus qu’il ne nous enseignera les déductions logiques de la phrase : « L’histoire est écrite par les vainqueurs » (que notre histoire est mensongère). Pour revenir à nos moutons sartriens, la définition de l’existentialisme conceptualisé par Sartre est que « L’existence précède l’essence », ce qui peut ne pas avoir beaucoup de sens quand on a trop longtemps baigné dans la laïcité (l’ignorance). Cela en prend beaucoup plus quand on saisit que c’est une inversion de l’idée infiniment plus ancienne (et donc peut-être plus sage) selon laquelle un principe de vie, de conscience, qu’on pourrait appeler Dieu (ou le nom inconnu parmi 100, selon la sagesse coranique), précède l’existence. Dans la mesure ou cette croyance est vieille de dizaines de milliers d’années, j’aurais tendance à penser que « ça marche même si on n’y croit pas »*. D’une part, son inversion, le matérialisme, mène à la folie totale : voir les déclarations de Laurent Alexandre et Yuval Noah Harari sur le “transhumanisme”, le contrôle total de la vie menant à l’immortalité, à l’euthanasie de la mort (sic), d’autre part, la primauté donnée à l’existence (donc terrestre, donc humaine, donc individuelle) introduit le programme de toutes les dérives de la divinisation de l’être humain ; on en revient aux délires de Laurent Alexandre, entre autres, où tout à fait logiquement, une minorité d’humains auto-divinisés règne sur la majorité. Nous pouvons observer les effets de cette cheptellisation de l’humanité depuis 2020. Pour Sartre le stalinien, l’homme naissait libre et ce qu’il appelait la mauvaise foi était la négation de cette liberté. Mon élève japonaise disait trouver cela compliqué. C’est vrai, mais largement parce que la philosophie moderne (occidentale) s’acharne à déformer et à obscurcir des notions traditionnelles. Une des définitions de liberté étant la liberté de choisir entre le bien et le mal. C’est le libre arbitre chrétien. Tandis que la philosophie moderne (post-révolutionnaire en gros) détruit par le relativisme toute notion de bien et de mal. Si Sartre a falsifié la notion de mauvaise foi, c’est pour faire croire que la liberté de l’homme à la naissance était une évidence… puisqu’elle est contestée par la mauvaise foi, et que la mauvaise foi est le refus d’admettre une évidence (ou ses propres erreurs)… Rousseau a écrit le premier que l’homme naissait libre (donc logiquement de toute filiation ? de toute connexion avec le monde ?). Il l’a démontré par ses actes, en « libérant » tous les enfants qu’il a eus : en les abandonnant.
* C’est le physicien Niels Bohr qui, à un journaliste s’étonnant de la présence d’un porte-bonheur fixé au dessus de la porte d’entrée de son chalet, a répondu : « Il paraît que ça marche même si on n’y croit pas ». Ce n’est pas un paradoxe. C’est un aveu.
INTRODUCTION Plus grave que le mensonge, la falsification du langage opère un sabotage de la langue de l’intérieur. Elle peut nous amener à mentir à notre insu, puisque le premier devoir de toute langue devrait être de nommer le réel (voir par exemple la richesse des jargons de métiers). À cet égard, la novlangue inventée par George Orwell dans 1984 était de l’artisanat en comparaison avec les inventions de l’ingénierie de ces dernières années. La falsification du langage requiert qu’on traduise le français… en français. C’est l’objet de cette revue.
ABSOLU Certes la centralisation du pouvoir a commencé sous l’ancien régime (avant la Révolution) et l’absolutisme royal remonte à Philippe Le Bel et à la destruction de l’ordre du Temple pour des raisons de cupidité, mais de nombreux contre-pouvoirs existaient, par exemple les corporations, qui représentaient des métiers, des artisans, donc libres et indépendants dans leur activité… remplacées aujourd’hui par les syndicats qui « défendent » des employés alors qu’ils sont partiellement financés par l’État. Le pouvoir absolu ne serait-il pas au contraire du côté des républiques, des « démocraties » ? Le point d’interrogation est presque de trop. Un exemple : toutes les institutions (Assemblée, Sénat…), toutes les dispositions qui existaient dans les textes de loi, aux niveaux national et supra-national visant à garantir à chacun l’exercice de son consentement libre et éclairé face à l’injection d’un produit inconnu, ont été foulées au pied. Pour imposer ce produit inconnu et expérimental, il aura fallu mentir et mentir encore sur sa nature et sur son nom. Sans la vérité, le pouvoir est arbitraire.
ANTICOVID Ne jamais oublier que le même pouvoir qui prétend lutter contre les discriminations, les amalgames et toutes les formes de racisme, a fait de ces trois mots ses lignes de conduite. – La discrimination : passe “sanitaire”, “passeport vert” dans sa version européiste ; – L’amalgame (toute critique de la politique “sanitaire”) étant assimilée au mouvement antivax ou frappée de l’accusation infâme de “complotisme” ; – Le racisme : encouragé quand il vise le peuple russe (en Europe, certaines personnes ont été discriminées simplement pour leur nationalité) ; Au vu du déroulement des deux dernières années et demie, il faut considérer le covidisme comme ce qu’il est c’est-à-dire un culte centralisé autour d’une solution considérée comme unique (et nommée de manière fallacieuse), avec ses commandements inscrits dans la loi (lutter politiquement contre un virus), ses rites, son clergé et ses adeptes. Mais les organisateurs de ce culte croient-ils eux-mêmes à la solution qu’ils imposent, le vaccin ? Voilà la question. L’action de ce culte va au-delà de préoccupations de santé, surtout si on le rattache aux déclarations des éminences grises que sont Klaus Schwab (directeur du Forum économique mondial) et Jacques Attali, tous deux d’accord pour dire qu’une épidémie permettrait d’accélérer la création d’un gouvernement mondial, ou d’un « ordre mondial unique » et appelé de ses vœux par Emmanuel Macron, mais aussi, il y a quelques années, par Nicolas Sarkozy. Depuis 2020, nous pouvons ajouter à cette liste : – Le terrorisme, puisque après deux décennies de “lutte contre le terrorisme” qui n’aura été que le prétexte de la systématisation de la surveillance des individus, la population mondiale a été terrorisée par les gouvernements et par la presse au moyen d’une maladie moins mortelle que la grippe saisonnière de l’année précédente, ce afin de présenter un produit expérimental et inconnu frauduleusement appelé “vaccin”, comme la seule solution ; – Le génocide, sur lequel tous les médias et les gouvernements ferment les yeux, qui a lieu en Palestine et, quand il n’inspire pas tout simplement un silence complice, inspire des commentaires obscènes, tenus par des fanatiques qui désignent les Palestiniens comme des animaux, ou des insectes. Le génocide commence par le choix des mots qui désignent les personnes.
ANTISEPTIQUE (detox) “Anti-” par devant (“antivax”), “-sceptique” par derrière (“covido-sceptique”). La pénétration dans le vocabulaire et dans les cerveaux de ce préfixe et de ce suffixe poursuit sensiblement le même but : aseptiser le débat.
ANTISÉMITISME (2) Sémite : Vient du latin Sem, nom d’un fils de Noé et « désigne une personne qui appartient à un groupe ethnique originaire d’Asie occidentale (les langues sémitiques sont l’arabe et l’hébreu). Abusivement, le nom (sémite) s’applique aux juifs seuls, alors que le concept englobait les arabes. » (Robert historique de la langue française). Le peuple palestinien est un peuple d’origine sémitique. D’où il découle que la logique peut être accusée d’antisémitisme, puisque…
ART (CONTEMPORAIN) En prétendant que deux hommes qui chantent (Singing sculpture, Gilbert & George), que des monticules de bonbons à la menthe (Felix Gonzales-Torres) ou que des assemblages de détritus puissent être des « sculptures », les artistes, mais surtout ceux qui les sélectionnent et ceux qui financent les centres d’art contemporain – même s’il ne viendrait jamais à l’idée des dirigeants des centres publics de reconnaître qu’ils promeuvent un art officiel –, conditionnent le public “cultivé” à ce que le sens des mots n’ait plus d’importance. Cela prépare le terrain pour toutes sortes de manipulations. Notons que certaines réalisations monumentales récentes faites au nom de cet “art” représentent un plug anal géant (place Vendôme) hypocritement appelé Tree, une scène de sodomie zoophile (devant le centre George Pompidou), “le vagin de la reine” (au château de Versailles). Objet des spéculations les plus indécentes, cette pratique contemporaine qu’on appelle “art” (où du talent et du beau émergent parfois par hasard : le cycle Cremaster de Matthew Barney, beaucoup d’œuvres de Wim Delvoye) doit être ramenée à ce qu’elle est : une entreprise de propagande, de dérision, de destruction et d’intoxication.
CALOMNIE Quand elle sert le pouvoir politiquement correct, la voilà frappée d’impunité : “raciste”,“antisémite”, “sexiste”, “homophobe”, “complotiste”. Staline encourageait ses troupes à traiter les adversaires de fascistes : pendant que ceux-ci se défendaient, ils n’avaient pas le temps de parler d’autre chose. En stratégie, cela s’appelle une diversion.
COMPLOT Ils n’existeraient pas. L’accusation vague mais infamante de complotisme sert à évacuer la question ; mais l’anti-complotisme d’État aurait un petit coup dans l’aile, à en juger par la situation du site de Fact and furious, d’Antoine Daoust et de toute la désinfosphère, y compris l’AFP. Le sociologue macronniste Gérald Bronner explique ces théories du complot par « un refus de la complexité » ; ce qu’il a appelle « complexité », c’est le hasard, qui selon lui devrait suffire à tout expliquer, comme si la volonté individuelle ou collective n’existait pas, capable de se traduire en actions. Or non seulement les complots existent et ont toujours existé, non seulement le pouvoir est par définition comploteur, mais en plus l’exploitation d’une pandémie mondiale pour opérer une grande réinitialisation de l’humanité, une sorte de table rase, est exposée chez les libraires et en libre accès sur internet dans le livre de Klaus Schwab (directeur du forum économique mondial, qui forme les individus les plus toxiques pour les placer à la tête des États occidentaux) Covid-19 : La Grande Réinitialisation, tandis qu’Emmanuel Macron parle d’ « ordre mondial unique » (et ce n’est pas la première fois), idée professée avant lui par Nicolas Sarkozy, plusieurs idéologues et autres éminences grisées par leurs “prophéties”, comme Jacques Attali. Précisons que la version officielle des attentats du 11 septembre 2001 est un complot.
CONFUSIONNISME Accusation adressée par les propagandistes d’État quand cet État n’assume pas son autoritarisme (puisque nous sommes en “démocratie”), à ceux qui essaient d’y voir clair.
CORRUPTION (detox) Il y a plus d’une vingtaine d’années a germé le projet d’un A.M.I., Accord multilatéral sur l’investissement entre les pays de l’OCDE. Cet accord prévoyait qu’une multinationale pourrait attaquer en justice un État dont la législation entravait l’activité économique de cette multinationale, par exemple en interdisant un ingrédient ou un composant toxiques contenus dans un produit fabriqué par la multinationale en question. Qu’on ne s’y trompe pas : les gouvernements sont toujours sous la coupe des multinationales : les “restaurants” MacDonald’s, dont l’activité consiste à faire croire qu’ils vendent des produits comestibles, n’ont pas fermé pendant le confinement. Uber et Amazon sont présentés comme l’avenir de l’emploi *. Toutes ce sociétés ne paient pas ou quasiment pas d’impôts. L’union des lobbys a déposé sa plaque dans le quartier du parlement européen en remerciement d’une collaboration fructueuse. Une activité illégale tolérée et encouragée en haut lieu reste une activité illégale, surtout quand la loi est celle du plus fort. Mais nous sommes bien en “démocratie”. La preuve, la Commission européenne décide en huis clos et confidentiellement toutes les politiques que doivent suivre (sous peine de sanctions) les pays membres. C’est un procédé démocratique… puisque nous sommes en démocratie (et cela s’appelle un raisonnement circulaire). D’ailleurs, ce n’est pas dans une démocratie qu’on forcerait la main aux populations pour qu’elles se fassent injecter un produit expérimental, enrichissant ainsi avec les impôts des contribuables une immense société pharmaceutique, non ? Non.
* À ce sujet, je recommande le livre enquête-témoignage du journaliste Jean-Baptiste Mallet En Amazonie
CUPIDITÉ (detox) Pour la même raison que le mot corruption, le mot cupidité a disparu de l’emploi courant puisque cette pratique est partout encouragée. Il y a quelques années, une déclaration scandaleuse et peut-être déjà banale à l’époque a été celle de Christine Lagarde, nous enjoignant à “aimer l’argent comme les rappeurs” (ce qui constituait un double aveu), à la même époque, Le publiciste Jacques Séguéla réduisait la réussite à la possession d’une Rolex – et après tout, pourquoi ne pas appeler cela réussite ? Même dans un monde où de grosses entreprises peuvent faire du profit au détriment de la santé et de la vie des populations, la cupidité n’est pas une fin en soi : Monsanto, Pfizer, Du Pont, avec la “bénédiction” des gouvernements, sévissent dans un monde que redoutaient certaines tribus indiennes : celui où on marche la tête en bas. La propagation virale de la cupidité ne peut passer inaperçue que dans un monde où les notions de bien et de mal ont disparu.
DÉRIVES SECTAIRES Je ne saurais dire mieux que l’excellente Ariane Bilheran : « la “crise covid s’est manifestée par la terreur, la séquestration, l’annulation de droits inaliénables (liberté d’expression, égalité devant la loi), la culpabilisation des individus et des enfants, la séduction, le chantage, le refus de soins, l’appels à ségrégation entre vaccinés et non vaccinés, la suggestion hypnotique, la répétition d’une comptabilité mortifère [le thanatopracteur Jérôme Salomon], les menaces, la censure, les persécutions, l’impunité de la calomnie, l’interdiction de réfuter narration dogmatique du gouvernement malgré ses paradoxes et contradictions, les décrets arbitraires, les discours paradoxaux destinés à sidérer les citoyens (en disant tout et son contraire sans jamais se justifier), l’incitation à des personnes non habilités de pratiquer des injections moyennant des tarifications juteuses, tandis que les médecins n’avaient plus le droit de soigner… tout cela est symptomatique d’une grave dérive sectaire, peut-être véritablement systémique. » La question reste de savoir si tout cela est la manifestation d’une défaillance de la démocratie ou de l’accomplissement de cette « démocratie » assujettie au matérialisme et au scientisme.
Illustration : Le Douanier Rousseau Singes dans la jungle (Détail)
ARRACHEURS DE DENTS Staline était un modéré en comparaison avec Trotsky, qui nous a fait l’amabilité de se laisser assassiner. Son programme était celui d’une « révolution mondiale sanglante ». De Lionel Jospin à Jean-Luc Mélenchon, personne n’a eu l’idée de s’excuser de ses sympathies pour cet idéologue génocidaire. Jusqu’au titre du livre du préfet de police Didier Lallemant (responsable de la répression des Gilets jaunes) L’ordre nécessaire, référence à Trotsky. On ne dénonce jamais les crimes de l’extrême gauche, focalisé sur ceux de l’extrême droite. Quant à l’extrême centre d’Emmanuel Macron… sous la direction du même berger Lallemant, certains Gilets jaunes en savent quelque chose : un œil pour pleurer, une main pour applaudir.
CHARABIA Schopenhauer reprochait la même chose à Hegel (dont la philosophie avait supplanté la sienne dans les universités allemandes) : « L’impudente scélératesse de ce charlatan [consiste] à assembler des mots qui désignent des opérations impossibles de l’intellect, notamment des contradictions et des non-sens de toute espèce » (Aphorismes et insultes page 76). C’est un commentaire sur la citation suivante dont le vocabulaire n’est pourtant pas particulièrement compliqué : « L’existence comme l’être s’entremettant avec lui-même par la négativité de lui-même, est le rapport à soi-même, seulement en ce qu’elle est un rapport à autre chose, qui n’est directement que posée et entremise. »
LES EXCUSES D’ONFRAY La République ne nous aura rebattu les oreilles pendant des années avec les dangers de l’amalgame, de la discrimination et de la haine que pour nous les faire subir. Comme dit le chat dans Alice au pays des merveilles, la question n’est pas de savoir le sens des mots, la question est de savoir « qui est le maître, un point, c’est tout. » Les non-vaccinés étaient déjà estampillés “antivax” par amalgame, visés par une discrimination impitoyable (la question de savoir si elle était légale étant nulle, vu ce qui avait été fait du consentement libre et éclairé) et désignés au mépris, au ressentiment et… à la haine. Michel Onfray, qui sait qui est le maître, les avait traités d’égoïstes, d’ignorants, d’irresponsables ; le trait n’étant pas encore assez gros, il les avait comparés à des propagateurs du sida. Aujourd’hui il s’en excuse, revient sur ses propos. Si les excuses de Michel Onfray valent quelque chose, alors il faut en tirer les conclusions sur ses capacité de réflexion en temps de crise… et sur sa faculté à fermer sa gueule. Certains philosophes gagneraient à être moins bien compris.
STUPIDITÉ ARTIFICIELLE Sans vouloir minimiser les dangers que présente l’intelligence artificielle… Si les machines sont aujourd’hui capables d’écrire des articles, c’est parce que l’activité s’était déjà systématisée, les humains avaient déjà entamé leur transformation en machines, mécanisé leur activité intellectuelle ; je ne parle pas de l’écriture automatique des surréalistes, mais d’une forme d’écriture mécanique excluant toute garantie d’authenticité, comme l’expérience, l’affect, les scrupules. Voir par exemple la publicité, les discours politiques, les texte accompagnant les « œuvres d’art » contemporaines… La presse a parlé récemment d’une forme d’intelligence artificielle tellement perfectionnée qu’elle en est arrivée à tenir des propos racistes, « révisionnistes » (mot qui n’est jamais employé correctement : le travail d’un historien est de réviser l’histoire). La nouvelle a été relayée avec un mélange d’effroi et d’admiration. De deux choses l’une : soit on avait affaire à une machine effectivement raciste et révisionniste, soit – hypothèse encore inédite : l’intelligence des observateurs était déjà artificialisée, leurs conclusions prédéterminées, conditionnée pour taxer un très large éventail de propos de racisme, sans réfléchir (condition nécessaire et suffisante ; le logiciel s’appelle le politiquement correct). Dans le film Up in the air George Clooney explique à sa jeune collègue qu’il choisit toujours les files occupées par des groupes d’asiatiques car ils sont plus efficaces et que l’attente y est moins longue ; réaction de la jeune femme : « C’est raciste ! ». Raisonnement machinal. Cela dit, le raisonnement machinal peut aussi être très sophistiqué, comme celui de beaucoup de philosophes modernes avec leur « système ». Il s’agit donc de faire la distinction entre l’intelligence artificielle électronique et l’intelligence artificielle organique : produite par nos cerveaux.
LE FOND DU PUY Sortie du film Vaincre ou mourir, production du Puy du fou, qui relate la révolte et le massacre des Vendéens (les partisans du régime monarchique), donc la face sombre post-révolutionnaire sur laquelle l’école de la République se montre très pudique : la Terreur. Libération s’étrangle et titre, à la une, Le Puy du fourbe. Ce film « réécrit l’histoire » commente le journal dans son plus pur style hospitalo-caritatif. C’est bien possible, si on précise qu’il réécrit l’histoire officielle. Dans La tête coupée d’Arnaud-Aaron Upinsky, évoque le général Turreau et ses colonnes infernales qui, à partir du 17 février 1794, ont porté le massacre à des degrés inouïs. En janvier 1794, il avait écrit à la Convention : « Vous devez prononcer également d’avance sur le sort des femmes et des enfants. Si je dois les passer tous au fil de l’épée, je ne puis exécuter cette mesure sans un arrêt qui mette ma responsabilité à couvert. » Demande acceptée. Voilà comment on écrit l’histoire.
SUR LES MURS DE LA CAVERNE De beaux moments de jeu dans le film d’Édouard Baer Adieu Paris tourné en 2021 à la Closerie des Lilas, parce qu’il faut bien faire vivre les artistes. Certes depuis 2020 ces acteurs pourtant aimés Poelvorde, Arditi, Depardieu, etc. ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes ; peu rancunier, on peut continuer à les aimer un peu, projetés sur les murs des cavernes.
MICROLITHES Le titre de cette rubrique signifie « petites pierres » (inversement au mégalithe dans L’étoile mystérieuse). Petites pierres à envoyer en direction de ceux qui, selon l’expression anglaise « vivent dans une maison de verre » (« Il ne faut pas jeter des pierres quand on vit dans une maison de verre » est l’équivalent de la paille et la poutre). « Petite pierre pointue » est aussi l’étymologie de « scrupule ». À l’intention de ceux qui n’en ont pas, donc.
RELATION D’EMPRISE La fiction offre de très nombreux exemples de relations d’emprise. Cela ne rend pas plus facile de les identifier autour de nous pour autant, vu que le manipulateur et sa victime trouvent leur compte à sauver les apparences ; le manipulateur pour des raisons évidentes, la victime parce que la perception d’elle-même est assujettie au regard de son manipulateur. Quand on dit à certaines personnes “vaccinées” qu’elles ont accepté de se faire injecter un produit inconnu, on assiste littéralement à un court-circuit cognitif dont l’enjeu est de contrefaire les notions de “injecter”, de “produit” et de “inconnu”. Dans un monde où le Pouvoir attribue aux mots et aux informations un sens arbitraire et versatile (langage paradoxal) et où toute réalité est réversible, ces personnes déploient les artifices qui servent à entretenir leurs illusions autant qu’à désorienter leur interlocuteur. Sur Facebook, on m’a même rétorqué que la “pandémie” n’avait donné lieu à aucun matraquage médiatique, que c’était une question de “ressenti”. Je me suis contenté de répondre à mon interlocuteur qu’à moins d’être un ermite, il savait très bien que c’est faux. La défense par leurs victimes des auteurs d’un abus de confiance, la justification de leurs méfaits par les mêmes victimes a tout de la relation d’emprise.
TICS DE PENSÉE Quand on parle de tyrannie ou de dictature, la référence au “nazisme” est automatisée à un point qu’on devrait peut-être se retenir. Même l’excellente Ariane Bilheran. Et quand on parle du régime soviétique, il faudrait cesser de fermer les yeux sur ce qui s’est passé avant Staline : les massacres ont commencé dès 1917, selon la logique : « on ne fait pas l’Homme nouveau sans casser d’hommelettes ».
CORPS CAVERNEUX (Badiou, Zizek, Onfray) Dans un entretien donné au journal belge Kairos, le sympathique philosophe Mehdi Belhaj Kacem nous apprend qu’il a mis huit mois avant d’accuser le coup de la crise covid et de commencer à se poser des questions. D’où sa lettre ouverte au philosophe Alain Badiou, en libre accès en ligne. Dans son essai Contre Badiou, l’ancien disciple revenait entre autres sur l’apologie de Pol Pot par Badiou ; je m’étonne un peu au passage de la naïveté de MBK : que les intellectuels d’extrême gauche aient cautionné implicitement ou explicitement des génocides n’a jamais choqué grand monde. Badiou n’est pas le seul intellectuel d’extrême ou de moyenne gauche à avoir sombré dans la religion covidiste. Un autre de ses admirateurs, Slavoj Zizek (qui a de l’humour et le sens de l’anecdote, quand il ne s’enlise pas dans des considérations hégélo-lacaniennes), mais aussi Noam Chomsky et Michel Onfray ont embrassé ce culte. Rappelons que pour de nombreux idéologues, le covid est un déclencheur idéal pour la transition vers une “grande réinitialisation” de l’humanité (ou « quatrième révolution industrielle » promise par le Forum économique mondial et son jamesbondien directeur, Klaus Schwab, ou “gouvernance mondiale”prophétisée par d’autres publicistes comme Jacques Attali) ; cela semble aller dans le sens des fantasmes révolutionnaires de l’extrême gauche, les derniers assurant la théorie et les premiers, la politique en action. Après tout, la disparition des particularités locales et nationales sont un élément central du communisme et du mondialisme, qui souhaitent tous deux l’avènement d’un homme nouveau.
LE LOUP ET L’AGNOTOLOGUE* On utilise le mot “complotiste” à la forme négative pour dire qu’on ne l’est pas ou à la forme affirmative pour discréditer les autres, comme le fait (ne résistons pas au plaisir de tirer sur une ambulance) Thomas Durand, dit La tronche en biais au micro avec André Bercoff sur Sud Radio. Une définition du complotiste est “qui doute de la version officielle des événements”. D’où on peut déduire que l’anti-complotiste est celui qui se réfugie inconditionnellement, qu’il soit payé pour le faire ou non, derrière la version officielle, c’est-à-dire, derrière la loi du plus fort. C’est une stratégie qui se comprend, en termes de réduction de risques. Du moins à court terme.
*merci à Nicolas d’Asseiva, dans son roman-miroir Pax Dystopia , pour m’avoir appris ce mot – même s’il se prononce comme “agnostique” et non comme “agneau”.
LA VOIX DE SON MAÎTRE Invité à Sud Radio, un imbécile à la satisfaction tartinée sur le visage dénommé Michel Musolino a sorti un livre intitulé Le guide du parfait complotiste. Dans un monde renversé, il est tout à fait normal que ce personnage reproche aux complotistes la méthode qui consiste à « accumuler des arguments ». On en déduira ce qu’il faut sur les vérités officielles.
TRIANGLE Dans la première scène du film sardonique Triangle of sadness, on assiste à un casting de mannequins hommes au cours duquel on leur apprend à sourire quand ils posent pour les marques bon marché et à afficher une moue méprisante pour les marques de luxe telles que Balenciaga. Il n’y a pas que les enfants objétisés qui font la gueule dans la dernière campagne publicitaire de cette marque diabolique. La chaîne Le juste milieu dresse un excellent aperçu de cette ténébreuse affaire.
J’ouvre aujourd’hui mon blog à Lamin’ (qui n’a rien à voir avec l’auteur de l’illustration M. la Mine), dont j’ai trouvé très intéressante la réflexion sur la droite et la gauche. J’y ai ajouté quelques commentaires personnels, repris en notes, à la suite de son article.
DROITE OU GAUCHE ? GAUCHE ÉVIDEMMENT ! La droite, la gauche… tout le monde en parle et tout le monde se définit politiquement en fonction de ces deux termes. En réalité peu de personnes sont capable de donner une définition de ce que sont la droite ou la gauche… pas même Bourdieu – cité à toutes les sauces par nos professeurs d’université – se trouvant fort embarrassé lorsqu’il fut interrogé sur cette question donnant une définition très bancale de la droite et la gauche (1) …(https://www.youtube.com/watch?v=xE1ehtg4Skg&ab_channel=liuetam). Je vais tenter d’y répondre en autodidacte. Il me semble qu’historiquement, la définition de droite et de gauche émergea à la suite de la Révolution française. En effet, les penseurs des Lumières, qui amèneront à la Révolution, caractérisent la genèse de la pensée dite « de gauche ». La critique du Clergé et de l’ordre du Roi en pleine dégénérescence donnera du grain à moudre à ces penseurs. Ils se positionneront, entre autres comme étant les penseurs du monde nouveau, du progrès et comme les libérateurs de l’ordre établi (2)… Voltaire en est l’exemple parfait. Cela dit, si nous nous plongeons dans la lecture de son dictionnaire philosophique, Voltaire, bien qu’à son époque il fût classé à gauche, serait, aujourd’hui, classé à droite, voire à l’extrême droite. En effet son antisémitisme carabiné et sa volonté de libéralisme ne pourraient lui éviter cette étiquette (3). Mais qu’est-ce que la droite ? La droite peut trouver une définition dans les penseurs traditionalistes. Pour faire simple, une société de droite est une société fermée (c’est-à-dire, limitant les échanges en tout genre avec les acteurs faisant partie du monde extérieur) et hiérarchisée, régie par l’ordre spirituel composée des clercs qui se situent en haut de la pyramide juste en dessous de Dieu. Toute pensée sortant de ce cadre ne peut être qu’une pensée de gauche (ou de pseudo-droite)… Maintenant que cela est posé, nous comprenons que la quasi-totalité de l’échiquier politique se trouve à gauche car ce qui définit leur pensée n’est jamais d’ordre spirituel mais plutôt d’ordre économique, social, sociétal, environnemental, identitaire, pseudo-communautaire… malgré ce postulat, il y a bien des penseurs qui sont classés à droite ou à l’extrême droite. Le temps et la mutation des idées politiques nous oblige à comprendre et repenser la définition ci-dessus. L’histoire récente nous propose deux expériences d’extrême droite : le national-socialisme (4) d’Hitler et le fascisme de Mussolini. Ils ont, tous deux, été des régimes autoritaires. Le Nazisme s’est caractérisé, entre autres, par une volonté d’empire impérial pangermanique à caractère racialiste ; l’homme allemand blanc supérieur devant conquérir les hommes inférieurs. De ce point de vue, l’étiquette racialiste, collée à la droite, est, à l’origine, une idée de gauche. Je m’explique, le colonialisme a été promu par des penseurs dit de gauche, tel un Jules Ferry, justifiant d’aller conquérir de nouvelles terres pour y amener la civilisation, le savoir supérieur des sociétés d’occident. De plus, la craniologie et phrénologie (La craniologie et la phrénologie sont deux pratiques qui examinent la conformation du crâne humain ; cependant, les deux sont très différents. La craniologie est l’étude des différences de forme, de taille et de proportions entre les crânes de diverses races humaines. La phrénologie traite des attributs similaires du crâne, mais tente de relier ces choses au caractère et aux installations mentales) ont été des pseudosciences légitimant les concepts de races supérieures et inférieures. D’ailleurs, le célèbre sociologue Durkheim était un adepte de la craniologie. Ce sont des conceptions venant de la gauche par le biais de la « science » qui ont justifié l’injustifiable. Est-ce qu’à la l’époque, les personnes s’opposant à ces pratiques étaient qualifié de droite ? Le fascisme, quant à lui, vient s’inscrire en faux par rapport à la pensée des Lumières et le concept d’égalité prônant un ordre hiérarchique naturel. Selon ma définition, plus haut, on ne peut pas situer cette doctrine à droite car elle ne favorise pas une entité spirituelle comme étant la pierre angulaire, le garant de la parole divine pour l’organisation de la société mais elle favorise le chef providentiel au-dessus des autres. Nous voyons ici une volonté de modifier la pensée de gauche pour y amener des pensées de droite. Ici, un homme est placé au rang de « dieu », capable de décider pour tous. Nous ne sommes pas dans une pensée de droite mais dans une pseudo-droite. Penchons-nous maintenant sur ce qu’ont été les régimes d’extrême gauche. Prenons l’union soviétique et la Chine communiste de Mao. Nous sommes de nouveau face à des politiques autoritaires centrés, entre autres, sur l’égalité des personnes, le collectivisme et l’État-providence. L’homme, ici, l’ouvrier est au centre des préoccupations de ces régimes, nous sommes bien dans une pensée de gauche. Il y a certes des différences de doctrine mais le résultat est le même, des millions de morts. Tout ce qui a été à l’origine de la pensée de gauche, à un temps donné, est considéré comme pensée de droite désormais. Car ce qui est nouveau est forcément meilleur, c’est toujours une avancée… le progrès est toujours considéré comme positif. Regarder ce qui a été fait dans le passé est forcément régressif, rétrograde, ringard… nous verrons des dynamiques millénaires, telles que les corporations, brisées sous prétexte de libéralisme pour y revenir par la suite, dans un élan de gauche, sous d’autres formes (syndicats, mutuelles, enseignement (5), etc.). Aujourd’hui, la droite, n’est rien de plus qu’une pseudo-droite, la dégénérescence d’une société traditionnelle, reprenant des conceptions d’antan à la sauce moderne. La droite regroupe des idées d’affirmation territoriale avec une volonté de calquer la société sur des valeurs du monde ancien. Quant à l’extrême droite, elle est quasi inexistante…il y a certes des catholiques qui aimeraient revenir à l’ancien monde et revoir une autorité spirituelle reprendre les rênes mais ils sont marginaux. (L’exemple de Daech peut également ici être repris mais ils n’ont servi que de pion pour asseoir l’hégémonie des USA au Moyen-Orient. Ceci c’est un autre sujet). J’estime que cet volonté politique est vaine car nous sommes en fin de cycle, dans l’ère du kaliyuga, le Zeitgeist, l’esprit du temps, ne permettra pas un changement d’ordre spirituel collectif, celui-ci est individuel. Pour conclure, la droite ou l’extrême droite n’est plus que l’ombre d’elle-même avec des groupes en marge quasi inexistants sur le plan politique et la gauche d’aujourd’hui devient la droite de demain. L’extrême droite, n’est qu’une étiquette collée par la classe dirigeante pour stigmatiser ses opposants car dans l’imaginaire collectif, et par une ingénierie sociale bien rodée, ce qualificatif enclenche dans le cerveau des gens, telle une formule magique, la volonté de disqualifier ses contradicteurs…mais les contradicteurs devenant de plus en plus nombreux et la classe dirigeante de plus en plus délirante et malveillante, ce sortilège devient de plus en plus visible… À force de crier au loup, on finit par ne plus y croire… Après tout, ceux qui n’ont que ce mot à la bouche ne sont-ils pas ceux dont il faut se méfier ?
LES COMMENTAIRES DE XYLOGLOSSE (1) Cela s’appelle la gauche parce qu’ils siégeaient du côté gauche : « Lors des débats d’août et septembre 1789, les députés favorables au maintien du pouvoir du roi se sont placés à la droite du président de l’assemblée et les partisans d’une limitation de ces pouvoirs, à sa gauche. » Rappelons que la droite et la gauche votent exactement de la même manière depuis des décennies sur toutes les questions sauf les questions “sociétales” : mariage homo, etc.
(2) En tant que projet totalitaire (on pourrait dire “universel”), le socialisme a donné lieu à des projets de cité idéale pour les ouvriers, comme le familistère de Guise… qui sont construits selon le modèle du panopticon de Jeremy Bentham, où tous les appartements sont en vis-à-vis : contrôle démographique par l’urbanisation et surveillance de tous par tous – les prisons construites sur ce modèles comprennent une tour d’observation centrale. Encore aujourd’hui dans l’agenda 2030 du Forum Économique mondial, l’urbanisation est associée au contrôle total des populations (puisqu’en opposition avec l’idée d’autonomie individuelle)
(3) J’avais demandé à Lamin’ pourquoi il focalisait l’attention sur l’antisémitisme de Voltaire. Il m’a répondu que c’est parce que l’antichristianisme de voltaire était connu ; pour avoir lu le livre de Xavier Martin, Voltaire méconnu, je sais que Voltaire montrait dans sa correspondance et dans la vie des accès de haine délirante sur de très nombreux sujets, au point d’effrayer ses amis. Il me semble important de préciser que ce qu’on appelait “antisémitisme” autrefois n’est pas la même chose que “l’antisémitisme” d’aujourd’hui et que les regrettables actions en justice lucratives et vocations de délation qu’il inspire. Au XIXe siècle par exemple, l’antisémitisme se définissait, dans une société encore catholique (malgré la République), comme « hostilité à l’influence des juifs » – si tant est qu’on ait le droit d’essayer de se demander en quoi consistait cette influence. En effet si de nombreuses personnes, et pas seulement des juifs, ne cessent de chanter les louanges de l’apport juif en France qu’il soit culturel, politique, économique (souvenons-nous de Manuel Valls déclarant « La France sans les juifs de France ne serait pas la France » ; https://www.youtube.com/watch?v=k9M1Cq9nQoI), leur imagination achoppe sur les points dont on serait moins disposé à se réjouir. L’antisémitisme d’aujourd’hui couvre, eh bien… toute tentative de réfléchir sur le judaïsme, le sionisme, Israël, les figures et manifestations d’un fanatisme juif, etc. d’un point de vue non-juif. La marge laissée à la pensée critique ? C’est simple : elle est nulle.
(5) À ceci près que les corporations étaient puissantes et pouvaient s’opposer au pouvoir royal, alors que les syndicats s’inscrivent dans un pouvoir social-« démocratique », mondialiste.
PHILIPPE GUILLEMANT : Le grand virage de l’humanité
Dans le film Invasion Los Angeles, de John Carpenter (1988), on voit des drones lancer des avertissements à la population ; Contagion le film de Steven Soderbergh (2011) expose les conséquence d’une épidémie meurtrière travers le monde tandis que 28 jours plus tard de Danny Boyle (2002) s’ouvrait dans une Londres totalement désertée. Depuis le début de l’année 2020, ce ne sont pas les exemples de ressemblance entre la réalité et la fiction qui manquent . La science-fiction et la dystopie étant entrées dans nos vies depuis deux ans et demi, avec leur potentiel anxiogène largement exploité par le pouvoir et les médias, une possibilité de les envisager d’un point de vue plus serein est bienvenue. C’est Philippe Guillemant avec son livre Le grand virage de l’humanité qui nous en fournit l’occasion.
LE FUTUR OBSOLÈTE La thèse de Philippe Guillemant, et d’une partie de la physique actuelle, demande un sérieux effort d’imagination. Selon cette théorie, le futur serait à la fois déjà réalisé, sans pour autant être figé, donc susceptible d’être modifié… par la conscience collective. L’éveil des consciences provoqué par l’événement officiellement nommé pandémie de covid19 serait ainsi un événement susceptible de modifier le futur tel qu’il était “écrit” auparavant. Le livre de Guillemant devrait s’adresser d’abord aux sceptiques car c’est un excellent exercice d’imagination à partir de faits avérés ; au-delà des théories sur la matière du temps, c’est la manière dont on relie ces faits entre eux qui compte. Pour en arriver à envisager un futur réalisé mais modifiable, il a fallu que la physique contemporaine se défasse de « l’univers-bloc d’Albert Einstein » avec son présent linéaire, mais inflexible. C’est en vertu de ce postulat que nous nous représentons le temps sous la forme d’une ligne dont on ne sort pas, qui ne bifurque jamais et dont il est facile de se dire que “tout y est écrit”, quels que soient les choix qu’on y fait. Philippe Guillemant, qui est physicien, entend « redonner sa flexibilité à l’espace-temps », espace-temps dans lequel le futur serait malléable… par l’action de la conscience.
LE RÔLE DE LA CONSCIENCE S’il fallait rejeter les thèses physiques en fonction de leur vraisemblance, il ne resterait pas grand-chose, à commencer par la théorie de l’atome, qui a existé longtemps avant d’être prouvée. La théorie du Big bang ne serait pas la dernière à en faire les frais : il n’y avait rien, d’où quelque chose serait advenu ? Selon la physique actuelle, la conscience ne se réduirait pas au résultat de l’activité du cerveau (hypothèse matérialiste de l’organisme-machine, métaphore qui a ses limites puisque les machines ne se reproduisent pas) mais s’étendrait hors des limites du cerveau. En étant conséquente, c’est avec sérieux que la physique envisage aussi la notion d’âme comme « extension immatérielle du cerveau ». Guillemant ne l’entend pas nécessairement dans un sens mystique ou religieux. Pour répondre aux objections de ceux qui rejetent ce qui n’est pas observé ou compris par la science, Guillemant dresse la liste des biais cognitifs des matérialistes ou rationalistes qu’on appelle les zététiciens ; ceux-ci mettent tous les phénomènes inexpliqués sur le compte de la coïncidence ou de la croyance sans se rendre compte que leur rejet est enraciné dans leur propre système de croyance : l’univers n’est fait que de matière et d’ondes ; les êtres vivants sont des machines, le cerveau un ordinateur. Et ce, alors que la science autant que l’expérience tendent à indiquer le contraire. Le VRP du transhumanisme Laurent Alexandre, pourrait se sentir visé, lui qui prétend « euthanasier la mort » et décupler l’intelligence grâce à la science. Or si Laurent Alexandre se fait de l’intelligence une idée si limitée, c’est en partie parce qu’il se réfère implicitement à la sienne. Les dix objections de Guillemant sont des invitations très séduisantes à une approche véritablement scientifique (je recommande aussi particulièrement sa liste des décisions absurdes prises en 2020). Sans oublier un biais supplémentaire la corruption pudiquement appelée : “conflits d’intérêt”. Guillemant dénonce aussi un aveuglement qui serait le produit du scientisme, c’est-à-dire l’idéologie du contrôle du réel, et de l’humanité réduite à un objet, par la science.
NOUVEAUX HORIZONS (MÉTA)PHYSIQUES Ces biais (propres à des gens chez qui la science est une superstition) interdisent d’étudier des phénomènes inexpliqués vérifiables par l’expérience : Ainsi la neurologie a échoué à localiser la zone du cerveau où seraient stockés les souvenirs, ce qui suggérerait qu’elle est à l’extérieur du cerveau. On apprend aussi que les impressions visuelles ne siègent pas dans le cerveau, ce qui pose notamment la question de savoir d’où le rêve tire sa précision cinématographique, alors que nos impressions visuelles immédiates, dont comme aussi fugitives que du sable que viendrait recouvrir une vague… Le livre Réenchanter la science de Rupert Sheldrake examine aussi des phénomènes connus mais inexpliqués comme la capacité des animaux domestiques à savoir quand leur maître va rentrer alors que personne d’autre ne le sait, à retrouver leurs maîtres après un déménagement, le sens qui nous permet de savoir qu’un regard est posé sur nous…). Alors que les transhumanistes nous vantent pour bientôt des machines douées d’une “conscience” (mal ou pas définie), la physique commence envisager que la conscience ne serait pas réductible à des influx électriques et biologiques et que le cerveau n’en serait que le relais. Ce nouvel examen scientifique de la conscience est important pour comprendre la thèse d’un futur malléable où ladite conscience jouerait un rôle. Pour Guillemant, le moment où la conscience collective se serait ouverte à d’autres possibilités serait au printemps 2020, avec le début de la « crise covid » et le confinement. Si cet événement traumatique a donné lieu à des prescriptions officielles de non-assistance à personne en danger, qui revenaient à ignorer le système immunitaire naturel et à l’attaquer (par les masques, par l’isolement, par la peur), il n’en a pas moins été un événement ambivalent, dans lequel des prescriptions absurdes et des mesures angoissantes auront aussi créé un nouveau monde propice à une transformation du regard : désert, ralenti, transfiguré…
PLUSIEURS LECTURES Je ne suis pas sûr que, comme il l’écrit , la dictature sanitaire s’avère in fine contre-productive. Je ne suis pas sûr que certains faits comme le retrait de la de l’hydroxychloroquine par la spongieuse Agnès Buzyn, la déclaration d’Emmanuel Macron sur « la bête de l’événement [qui] arrive » ou l’Event 201, grande répétition de scénario pandémique mondial ayant eu lieu… en novembre 2019, soient des anomalies, ou les restes d’un scénario devenu obsolète, d’un futur dont le présent serait déjà en train de s’éloigner. Je ne suis pas sûr que le futur dystopique promis par le Forum économique mondial et les fanatiques du transhumanisme… appartienne au passé… Mais dans quelle mesure Guillemant a-t-il raison… et avec lui une partie de la physique… Un avenir nous le dira.
Kafka a trente-six ans quand il écrit cette lettre, qu’il ne fera jamais lire à son père. En la lisant, il est difficile de ne pas imaginer un petit garçon terrifié, se tordant les doigts. Le texte est pénible à lire pour cette raison car on est partagé entre la pitié pour son auteur, qui dresse le portrait d’une vie de famille dans l’ombre d’un tyran, et agacé par une faiblesse qui semblerait presque jouir d’elle-même, au point d’adopter sans le vouloir, organiquement, le langage pervers de son bourreau. Si l’exposition au langage pervers peut être nous apprendre à le reconnaître, on lira avec profit cette Lettre au père. La première phrase de la Lettre au père de Kafka (1919) est « Tu m’as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. ». Il se pourrait bien que la clé principale pour la compréhension de l’œuvre de Kafka se trouve dans cette lettre ; et il se pourrait bien que comme La lettre volée d’Edgar Poe, cette clé soit cachée à la vue de tous.
LA LANGUE DE L’ENNEMI On pourrait dire – et je vais en énumérer divers exemples – que Kafka s’approprie inconsciemment le langage pervers de son père, son langage paradoxal. Par inconsciemment, je ne fais pas allusion au vocable freudien mais à la manière très ordinaire dont on peut subir les choses ou ne pas les comprendre (même des choses simples) tant qu’elles ne sont pas correctement nommées – et si notre époque s’est fait une spécialité, c’est bien de mal nommer les choses, pour ajouter à notre malheur. La lettre de Kafka est transpercée par la culpabilité. On y reconnaît le calvaire du héros du Procès, qui ne sait pas de quoi il est accusé. On verra aussi qu’elle est, en quelque sorte, une pièce à conviction à charge du père, que son fils s’interdit pourtant d’accuser, à qui il invente des circonstances atténuantes : « il y a quelque chose d’anormal entre nous, quelque chose que tu as contribué à provoquer, mais sans qu’il y ait de ta faute » et qu’il humanise, qu’il anime de sentiments pathétiques « [ta] voix basse, […] qui exprime […] la condamnation totale […] me fait moins trembler aujourd’hui que dans mon enfance, parce que le sentiment de culpabilité exclusif ressenti par l’enfant est remplacé en partie par une certaine connaissance de notre détresse à tous deux. » Une des premières facultés que perd la victime de la relation perverse est la faculté de percevoir les contradictions d’un discours. Cela explique à mon avis pourquoi les romans de Kafka n’ont pas la richesse de la palette des nouvelles de Gogol , qui allient angoisse, sentiment d’absurde avec un humour et une fantaisie irrésistibles.
L’ATTÉNUATION IMAGINAIRE Kafka rapporte au tout début de sa lettre : « tu m’as dit récemment : « Je t’ai toujours aimé et quand même je ne me serais pas comporté extérieurement avec toi comme d’autres pères ont coutume de le faire, justement parce que je ne peux pas feindre comme d’autres. » Ce que Kafka reproche à son père n’est pourtant pas de ne pas avoir été affectueux. Il faudrait comprendre en revanche que le père a assuré à son fils qu’il l’a toujours aimé, malgré les preuves qu’il lui aurait données du contraire. Dans ce propos rapporté, Kafka est aussi censé croire que le comportement plus bienveillant des autres pères vis-à-vis de leurs enfants est feint. En somme, son père lui demande de croire ce qu’il dit et non ce qu’il fait. Certaines phrases de Kafka, quand il évoque le piège psychique dans lequel il est enfermé, font mal pour lui : « Quand j’aurais été élevé absolument à l’écart de ton influence, il est fort possible que je n’eusse pu devenir un homme selon ton cœur. » Or il n’est manifestement pas devenu un homme selon le cœur de son père en lui obéissant non plus. On reconnaît là une personne dans une situation de double contrainte (« Écoute-moi, deviens autonome ! »).
AVEUX INVOLONTAIRES Certains aveux surprennent « comme père, tu étais trop fort pour moi ». C’est un des nombreux aveux étranges de ce texte, dont Kafka ne semble pas se rendre compte de la portée. Il enfonce le clou : « nous étions si différents et si dangereux l’un pour l’autre […] que, si l’on avait voulu prévoir comment nous allions […] nous comporter l’un envers l’autre, on aurait pu supposer que tu allais me réduire en poussière et qu’il ne resterait rien de moi. » Un souvenir de la petite enfance continue à le faire souffrir : une nuit, son père l’a mis dans la rue parce qu’il avait osé réclamer un verre d’eau, ce dont, des années après, il continue à tirer le sentiment de sa nullité (car jamais le père ne sembla avoir au à son endroit d’actes rédempteurs) ; or « ce sentiment de nullité qui s’empare si souvent de moi » Kafka se persuade qu’il « peut être aussi noble et fécond sous d’autres rapports, il est vrai ». Kafka passe son temps à excuser son père et à s’accuser (exact négatif de la déclaration de Golda Meir, alors premier ministre israélien : « Nous ne pardonnerons jamais aux arabes le mal qu’ils nous ont obligés à leur faire » chef-d’œuvre de déclaration perverse qui a toute sa place ici)
DÉNI ET HALLUCINATION Tout au long de cette lettre, l’écrivain tente de se persuader que la présence monstrueuse, écrasante de son père prouve bien qu’il ne peut pas être si mauvais, que ça ne peut pas être aussi simple, qu’elle est en grande partie le fruit de l’exagération par l’enfant qui reste en lui. Cela le conduit à se mystifier : « Or tu es bien, au fond, un homme bon et tendre ». Le fond est précisément ce qu’on ne voit pas, ce à quoi on n’a pas accès. Tout sauf se rendre à l’évidence. J’en profite pour rappeler le mot de Groucho Marx : « Il se peut que cet homme parle comme un idiot, qu’il ait l’air d’un idiot, mais ne vous laissez pas berner : c’est véritablement un idiot… » L’époque nous incite en permanence à chercher les explications partout sauf là où elles sont. D’ailleurs Kafka nous en fait l’aveu : cette bonté dont il est persuadé, il ne l’a jamais trouvée, car « tous les enfants n’ont pas la persévérance […] de chercher aussi longtemps qu’il faut pour arriver à la bonté. » (Pour d’autres exemples de langage pervers intériorisé, voir la réponse de l’agneau dans Le loup et l’agneau, l’aveu de culpabilité de l’âne dans le magnifique Les animaux malades de la peste)
L’ENFER DOMESTIQUE Même au magasin dont le père était le patron, « les injures pleuvaient si fort sur les autres personnes de mon entourage tant à la maison qu’au magasin, […], petit garçon, j’en étais parfois étourdi ; je ne voyais pas pourquoi elles ne m’auraient pas été destinées […] Là encore, je retrouvais ta mystérieuse innocence ». Et par le vocable ici pervers d’innocence, le fils s’annihile en absolvant les abus qu’il subit. Comme dans les romans claustrophobiques de Kafka, il n’y a d’échappatoire ni professionnelle ni personnelle – ni artistique, puisqu’il avait demandé à son ami Max Brod de détruire ses manuscrits. « Le succès n’était que le réconfort d’un instant, rien de plus, mais de l’autre côté, ton poids m’entraînait de plus en plus lourdement. […] le désaveu que je lisais sur ton visage m’en fournissait bel et bien la preuve – que plus j’avais de succès, et plus l’issue serait finalement désastreuse. » Le mariage ? Kafka le conçoit en théorie comme une « libération de soi-même ». Mais « il en va comme pour un prisonnier qui a l’intention de s’évader, ce qui serait peut-être réalisable, mais projette aussi, et ceci en même temps, de transformer la prison en château de plaisance à son propre usage. Mais s’il veut s’évader, il ne peut pas entreprendre la transformation, et s’il l’entreprend, il ne peut pas s’évader. […] Il semble bien que l’angoisse de Kafka n’était pas une angoisse liée au pouvoir institutionnel, à la bureaucratie. Kafka était employé d’assurances et très soucieux de ce que les victimes d’accidents du travail soient indemnisées. Pourtant le langage du pouvoir abusif, qu’il soit personnel ou institutionnel – quand il s’exprime par exemple par la négation absurde de vitre volonté au moyen d’une auto-attestation) – est précisément le pouvoir qui dépersonnalise. Il n’est guère étonnant que Kafka en soit pas le seul à avoir fait les frais de cette dépersonnalisation. À propos de sa sœur, Ottla : « quand elle n’est pas spécialement en difficulté ou exposée à un danger, tu n’éprouves pour elle que de la haine. Tu me l’as avoué toi-même ; selon toi, c’est à dessein qu’elle te fait constamment souffrir et provoque ta colère […]. Une espèce de démon, donc. […] Elle est si loin de toi que tu ne la vois plus, tu mets un fantôme à l’endroit où tu t’attends à la voir. »
CONCLUSION Le langage paradoxal est celui qui voudrait nous faire croire que le pouvoir nous protège en nous enfermant, que le pouvoir nous protège en nous isolant et que le pouvoir nous protège en nous piquant. Il fait dire à un “président” qu’il veut « emmerder les non-vaccinés » (mensonge imbriqué dans un mensonge : personne n’est vacciné au sens strictement médical) puis, qu’il a dit cela « affectueusement ». Comme l’a commenté Jules Renard* à propos de Mallarmé, le langage paradoxal, surtout énoncé par une langue fourchue, est intraduisible, même en français.
*aussi auteur de la phrase « Tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin. »
Illustration : Anthony Perkins dans la magnifique adaptation du Procès par Orson Welles, et l’ombre du metteur en scène.
« Sa vie en prison était très triste, je vous assure, mais ce qui est certain, en tout cas, c’est que ce n’était pas une vie à deux sous. Et il n’avait que deux amis, vous savez, une araignée et puis l’arbuste qui avait grandi sous sa fenêtre. » Dostoïevski est un grand connaisseur de l’âme humaine.
*Prendre le mot idiot au sens de Dostoïevski : mieux vaut être un idiot, un naïf, un innocent, qu’un imbécile heureux.
La littérature et la lecture sont avant tout des relations entre lecteur et auteur (moins dans le cas de la littérature de genre, qui est régie par des conventions). Je dois avouer que j’ai abandonné la lecture de tous les romans de Dostoïevski au bout de quelques centaines de pages (Crime et châtiment étant celui dans l’ensemble qui me laisse le meilleur souvenir de lecture). L’idiot et Les frères Karamazov ne sont pas d’une lecture difficile mais m’apparaissent essentiellement comme des successions de conversations sans fin. J’ai laissé tomber les Karamazov au troisième chapitre successif dont le titre commençait par « Hystérie », l’hystérie n’en finissait pas. L’idiot m’aura au moins récompensé par la phrase la plus insondable que j’aie jamais lue ; l’idiot, le prince Mychkine, raconte une anecdote à propos d’un homme emprisonné : « Sa vie en prison était très triste, je vous assure, mais ce qui est certain, en tout cas, c’est que ce n’était pas une vie à deux sous. Et il n’avait que deux amis, vous savez, une araignée et puis l’arbuste qui avait grandi sous sa fenêtre. » Une phrase qui n’aurait pas été possible sans une vie, sans une œuvre.
Dostoïevski est un grand connaisseur de l’âme humaine. Il a écrit un des livres les plus bouleversants que j’aie lus : Souvenirs de la maison morte. À l’âge de 25 ans, Dostoïevski est envoyé au bagne après que sa peine de mort a été commuée in extremis en peine de travaux forcés par le tsar. C’est le prix de ses sympathies révolutionnaires et socialistes. L’histoire est ironique. Le goulag tsariste, même si on ne le souhaiterait pas à son pire ami, n’est pas le goulag soviétique (miracle socialiste inventé par Yenokh Gershonovich Yagoda, et qui serait à lui seul responsable de 20 millions de morts). Dostoïevski y passera quatre années. Ces Souvenirs de la maison des morts ne sont pas un roman. C’est le récit de son expérience. Ce livre prouve que la littérature ne doit pas être difficile pour dire l’essentiel (que ce soit les écrits de Simon Leys sur la Chine, de Soljénitsyne ou les romans et essais de George Orwell), même si la littérature difficile, voire carrément énigmatique réserve aussi ses bonnes surprises aux curieux, éventuellement disposés à la lire comme on lirait une partition de musique (Joyce, Dylan Thomas, Lautréamont…).
Les citations qui suivent sont extraites de la dernière édition Folio :
Page 49 : « …le bagne est une école de patience. Je vis une fois un forçat libéré au bout de vingt ans prendre congé de ses camarades. Certains se rappelaient son arrivée, alors que jeune, insouciant, il ne pensait ni à sa faute ni à son châtiment. Et voici qu’il repartait avec des cheveux gris, un visage sombre et triste de vieillard. »
Page 53 : « Il me souvient qu’un jour, un brigand éméché (on peut boire quelquefois au bagne) se mit à raconter comment il avait assassiné un garçon de cinq ans ; il l’avait tenté avec un joujou, puis emporté dans un hangar et ensuite égorgé. Toute la chambrée, qui avait d’abord ri de ses facéties, poussa une clameur, et le bandit fut obligé de se taire ; cette clameur unanime n’était pas un signe d’indignation, elle marquait seulement qu’il ne fallait pas parler de cela, que parler de cela n’était pas admissible. Je dois noter ici que ces gens avaient d’ailleurs de l’instruction, dans le sens propre du mot. La moitié d’entre eux au moins savaient lire et écrire. Où trouvera-t-on en Russie, dans n’importe quel groupement populaire, deux cent cinquante individus dont la moitié sachent lire et écrire ? Quelqu’un, m’a-t-on dit depuis, a tiré de semblables données la conclusion que l’instruction causait la perte du peuple. Erreur selon moi. Il faut chercher ailleurs les raisons de ce fléchissement moral. À vrai dire, l’instruction éveille chez le peuple de la présomption ; mais à mon sens, ce n’est pas là un défaut. »
Pages 64-65 : « On s’imagine sans peine quels artistes du vol se trouvaient réunis en pareil lieu ! Un détenu qui m’était sincèrement dévoué (je le dis en toute simplicité) me vola une bible, le seul objet dont la possession fût autorisée. Il me l’avoua dès le jour même, non par repentir, mais par pitié pour moi qui avais si longtemps cherché. »
Pages 66-67 : « Je me rappelle la première aumône que j’ai reçue. […] Je revenais de la corvée du matin, seul avec un surveillant. A ma rencontre s’avançaient une mère et sa fillette, une enfant de dix ans, jolie comme un ange. […] La mère était la femme d’un jeune soldat , qui, après avoir passé en conseil de guerre, mourut à l’hôpital dans le pavillon des détenus, où je me trouvais moi-même en traitement ; la mère et la fille étaient venues lui dire adieu en pleurant toutes deux à chaudes larmes. Quand elle m’aperçut, la petite fille rougit et murmura quelques mots à sa mère ; celle-ci s’arrêta aussitôt, chercha dans son panier un quart de kopeck et le donna à l’enfant qui courut à moi… – Tiens malheureux, prends ce petit kopeck pour l’amour du Christ, cria-t-elle en me le glissant dans la main. Je pris la pièce ; la fillette, toute contente, rejoignit sa mère. J’ai longtemps gardé ce pauvre kopeck. »
Pages 76-77 : « Dès le premier soir, je remarquai qu’on me regardait de travers, je saisis même quelques coups d’œil sinistres. Par contre, soupçonnant que j’avais de l’argent, certains détenus tournaient autour de moi. Ils m’offrirent aussitôt leurs services, m’apprirent à porter mes nouveaux fers, me procurèrent – moyennant finances, cela va de soi – un coffre à cadenas pour y ranger mon trousseau de forçat et un peu de linge que j’avais apporté. Mais le lendemain même, ils me volèrent le tout et le dépensèrent à boire. L’un de mes voleurs me devint par la suite infiniment précieux encore qu’il continuât à dérober mes effets quand l’occasion lui semblait bonne. Il commettait son délit sans la moindre honte, comme inconsciemment, presque par devoir ; je ne pouvais guère lui en garder rancune. »
Page 77 : « Les anciens nobles sont en général très mal vus au bagne. Bien qu’ils aient perdu leurs droits civiques et soient à cet égard les égaux de leurs codétenus, ceux-ci se refusent à voir en eux des camarades. Aucun préjugé d’ailleurs n’entre ici en ligne, c’est tout bonnement une opinion innée. À leurs yeux, nous demeurions des gentilshommes, ce qui ne les empêchait pas de se gausser de notre chute : “Non, maintenant, assez, fini ! Môssieu ne fait plus le gros à travers Moscou, Môssieu tord la corde pour son cou !” et autres amabilités du même genre. »
Par certains aspects, la vie des forçats est-elle si différente de la nôtre ? Page 95 : « … rien de plus étrange que de voir certains d’entre eux travailler des mois durant sans lever la tête à seule fin de pouvoir dépenser un jour d’un seul coup tout leur gain ; après quoi ils se courbent de nouveau avec acharnement sur le labeur, jusqu’à la prochaine bamboche. Beaucoup d’entre eux aimaient porter des habits neufs plus ou moins singuliers. […] Les forçats se pomponnaient le dimanche et se pavanaient aussitôt dans les chambrées pour se faire admirer sur toutes les coutures. […] [La bamboche] commençait d’ordinaire soit à une fête carillonnée, soit en l’honneur du saint patron du forçat. Le détenu dont c’était la fête allait, dès son réveil, mettre un cierge devant l’icône et y faire sa prière ; puis il s’endimanchait, se commandait un repas […] puis de l’eau de vie apparaissait/ Le forçat buvait comme une outre et rôdait dans les casernes, titubant, trébuchant mais fier de montrer à chacun qu’il “vadrouilllait”, car il tenait ainsi à gagner l’estime générale. Le peuple russe éprouve une étrange sympathie pour l’ivrogne, mais au bagne, cette sympathie allait jusqu’au respect. »
A la page 110, Dostoïevski se laisse aller à des considérations sur l’inégalité contenue dans le fait de condamner à la même peine des meurtres qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, du crime crapuleux au crime sadique. On retrouve ces considérations dans la bouche du fameux Idiot. Page 111 : « Considérons [l’inégalité] des suites du châtiment. Tel condamné se consume, fond comme une chandelle ; tel autre ne [se] doutait pas auparavant qu’il existât de par le monde une vie aussi réjouissante, un cercle aussi agréable de hardis lurons ; car au bagne, on trouve même de ces gens-là. Tel détenu, homme cultivé en proie aux remords d’une conscience affinée, aux tortures d’une souffrance morale devant lesquelles pâlit tout autre châtiment, porte sur son crime un jugement beaucoup plus implacable que la loi la plus sévère ne pourrait le faire. Et à côté de lui, tel autre ne songe pas une seconde, durant toute sa détention, au forfait dont il s’est rendu coupable ; il estime même avoir bien agi. D’aucuns vont même jusqu’à commettre un crime tout exprès pour aller au bagne et se débarrasser ainsi d’une existence infiniment plus pénible. »
Même passage traduit par André Markowicz (aux éditions Babel) : « Voici un homme qui se dessèche au bagne, qui fond comme un bougie ; et en voici un autre, qui, avant d’arriver au bagne, n’aurait même jamais imaginé qu’il puisse y avoir au monde une vie aussi joyeuse, un club aussi plaisant de joyeux camarades. Oui, on en voit au bagne, des gens de ce genre. Voici par exemple un homme instruit, développé de conscience, de raison et de cœur. La seule souffrance de son propre cœur, avant les autres peines, le tuera de ses tortures. Pour le crime qu’il a commis, il se condamnera lui-même d’une façon bien plus impitoyable, plus inflexible que la loi la plus dure. Et en voici, à côté de lui, un autre, qui ne pensera même pas une seule fois au crime qu’il a commis, de toute sa vie au bagne. Il s’estime même dans son bon droit. Il y en a même qui commettent des crimes exprès pour se retrouver au bagne et se défaire d’une vie de bagne infiniment plus terrible en liberté. »
Au-delà de la dureté de la vie au bagne, il me semble que le monde d’inversion des valeurs décrit par Dostoïevski est moins absurde que le nôtre. L’inversion des valeurs y est assumée et carnavalesque (du reste le tabou sur le meurtre de l’enfant indique que la notion du mal reste agissante) au lieu d’être sérieuse, oppressante et attentatoire à la notion même de vie.
Wishmaster est un film horrifique de 1997 assez amusant qui reprend le motif du conte des mille et une nuits Aladin et la lampe magique pour le pervertir. Ce que la victime ne sait pas, c’est que le génie retournera son troisième vœu contre elle : qu’elle souhaite par exemple gagner un million de dollars, le djinn fait en sorte que sa mère souscrive à une assurance vie pour cette somme et meure dans un accident d’avion (ce qui pour certains serait faire d’une pierre deux coups). Qui sont les djinns aujourd’hui ? Probablement ceux que la presse qu’ils achètent appelle des « philanthropes », ce que beaucoup de gens prennent pour argent comptant. Que ce soient des ex-vice-présidents des États-Unis qui capitalisent sur la peur du “réchauffement climatique” mais achètent des villas sur la côte tout en nous menaçant d’une montée du niveau de la mer, ou des multi-milliardaires qui déclarent lutter contre la surpopulation par la vaccination (Bill Gates dans sa conférence sur le site TED).
Gardons à l’esprit la morale de ce film à chaque fois qu’on entend parler des lubies de certains milliardaires ou illuminés de la Silicon Valley, comme celle, très sérieuse, qui promet la possibilité de télécharger son âme pour vivre éternellement à l’état de machine (Ray Kurzweil, pris très au sérieux par le délicieux Laurent Alexandre), ce qui, entendons-nous, n’est possible que si on sait exactement ce qu’est l’âme ou qu’on ne l’a pas perdue. Le titre probablement ironique d’une très intéressante biographie du multi-milliardaire Jeff Bezos visible sur Youtube (sur la chaîne de PAUL) est Le profit ne l’intéresse pas. Si Jeff Bezos veut être considéré comme un philanthrope, mieux ne pas le juger sur ses actions… ni sur ses projets. D’après le livre En Amazonie de Jean-Baptiste Malet, le travail d’un employé d’Amazon est en plus d’être épuisant que celui d’un magasinier dans n’importe quelle autre société, humiliant, abêtissant et infantilisant : le simple fait de se rendre à pied dans les lieux réservés aux pauses absorbe le temps qu’on devrait y passer ; en plus du fait que ce travail est ce qui se rapproche le plus de l’esclavage moderne (formule encouragée par les États de l’Union Européenne qui n’exigent que des impôts dérisoires de la part de ces multinationales), Amazon fait aussi face à des accusations de pratiques monopolistiques,répressions des mouvements syndicaux dans certains entrepôts, remboursement de 100 % des pourboires pris aux livreurs de son programme Flex, à des accusations d’espionnage industriel, surveillance de ses employés ou de ses clients… Selon un principe matérialiste cher au philosophe Hegel, la valeur d’un être se mesure à la fonction qu’il occupe dans la société, ce qui augmente d’un coup la valeur symbolique d’un employé d’Amazon, qu’on peut considérer, toujours selon les principes hégéliens1 comme une cellule de l’organisme social dont Jeff Bezos ne serait que le visage (et qu’on n’aille pas m’accuser d’avoir lu Hegel).
Si Jeff Bezos a quitté la direction Amazon, il en reste un actionnaire important, et se consacre donc à ses projets pour l’humanité, qui retient son souffle. Fasciné depuis son enfance par la série Star Trek (lancée à la télévision américaine en 1966), Jeff Bezos prétend travailler à la réalisation d’un avenir où l’humanité vivrait dans l’espace pour préserver la Terre. Tout comme le djinn retourne nos souhaits contre nous, il n’est pas inutile de retourner contre eux les généreux projets de ces milliardaires pour l’humanité. La fortune de l’ancien patron d’Amazon Jeff Bezos lui a permis de renouer avec ses rêves d’enfant, quand il était fasciné par la série Star Trek et sa mythologie […] Excellente série au demeurant, Star Trek est aussi un rêve mouillé de mondialiste (et ne confondons pas mondialisation, qui est le développement naturel des échanges commerciaux et culturels, avec l’idéologie mondialiste du nouvel ordre mondial) avec son gouvernement mondial invisible exporté dans l’espace. Voici ce qu’en dit l’anthropologue David Graeber dans son très intéressant Bureaucratie :
« La Fédération des planètes – avec son idéalisme de haute tenue, sa strictediscipline militaire et l’absence manifeste en son sein tant de différences de classe que du moindre indice tangible de démocratie multipartite – n’est-elle pas, en réalité, une simple vision américanisée d’une Union soviétique plus gentille, plus aimable, et surtout « qui marche »19 ? Ce qui me paraît remarquable dans Star Trek, en particulier, c’est non seulement qu’il n’y a aucune trace réelle de démocratie, mais que pratiquement personne ne semble remarquer son absence. […] Les personnages de Star Trek se plaignent constamment des bureaucrates. Ils ne se plaignent jamais des politiciens, parce que les problèmes politiques sont exclusivement traités, toujours, par des moyens administratifs21. Mais, bien sûr, c’est exactement à cela que l’on s’attendrait sous une forme de socialisme d’État. Nous oublions souvent que ces régimes aussi affirmaient invariablement qu’ils étaient des démocraties. Sur le papier, l’Union soviétique de Staline pouvait se vanter d’une Constitution exemplaire, avec infiniment plus de mécanismes de contrôle démocratique que les systèmes parlementaires européens de l’époque. »
Lors du forum Ignatius, qui a eu lieu à la National Cathedral de Washington le 11 novembre 2021, Jeff Bezos a fait part de ses projets pour l’humanité et pour l’espace – il faut bien commencer quelque part. Selon lui, il est souhaitable que la terre devienne, dans les décennies à venir, une réserve naturelle que l’humanité, qui vivrait dans des colonies spatiales, pourrait avoir le privilège de visiter, même si selon Bezos, cette humanité pourrait jouir dans ses colonies de conditions proches de la terre avec faune et flore reconstituées (programme moins modeste que celui de Noé qui n’avait pour mission que de sauver la faune) puisqu’il va de soi que tout cela serait possible. Lors de cet entretien de vingt-cinq minutes, Bezos se montre d’ailleurs assez piètre orateur, répétant à l’envi qu’on ne peut laisser la terre sa dégrader sous l’influence de l’homme (Son mantra est « This planet is special, we can’t ruin it… »), celui qui se rêve en gardien de réserve naturelle géante et de colonies spatiales parle de l’envoi de millions d’être humains dans l’espace de manière à libérer la terre et lui permettre plus ou moins de redevenir un Eden, sur lequel seuls une poignée de privilégiés (Bezos ne nous dit pas qui) seraient résidents permanents, avec leur valetaille privilégiée. Une question que ne pose pas cet article est celle de savoir selon quelles règles mathématiques quelques millions (dans le futur) additionnés à une poignée donne plusieurs milliards. En d’autres mots : que deviennent les quelques milliards d’individus qui ne vivent ni dans l’espace ni sur terre ?
Hasardons deux hypothèses : – La première est que ces milliards d’êtres humains auront disparu ; mais Jeff Bezos, qui postule cette disparition ne dit pas comment elle aura eu lieu. Le milliardaire Ted Turner, qui était malthusien et donc en faveur d’un contrôle draconien de la population ne disait pas non plus comment ; pas plus que Bill Gates qui lors de sa conférence sur la plateforme TED, déclare son intention se servir de la vaccination pour contrôler la population mondiale (il ne parle que du contrôle du nombre, si cela peut en rassurer certains). Le monument gnostique des Georgia Guidestones édicte plusieurs règles d’harmonie mondiale la première étant de parvenir au seuil idéal d’une population de 500 millions de personnes, la dernière enjoignant ceux qui ont l’occasion de la lire à « ne pas être un cancer à la surface de la terre » et de « laisser de l’espace à la nature ». C’est sans doute par modestie que Bezos néglige de préciser la part importante qu’il a prise avec son entreprise à la pollution des airs et des mers (puisque l’activité d’Amazon a contribué pour une bonne part aux transports aériens et maritimes par containers – pour donner un petit ordre d’idée, la consommation d’un petit bateau affichant une puissance de 500 CV, à une vitesse de 50 nœuds, sera estimée à 500/3 = 166 litres /heure) – la seconde hypothèse est que la plupart des milliards d’individus qui composent la population mondiale ne font pas partie de l’humanité, ce qui rend inutile de les inclure dans l’addition. – Une troisième hypothèse, compatible avec les deux précédentes est que l’extrême richesse est une pathologie mentale. Mais une pathologie opératoire puisque des ressources financières illimitées permettent de modeler le monde selon ses désirs ; ainsi la fondation Bill and Melinda Gates, qui finance tous les organismes de santé du monde dans des proportions variables, notamment les universités qui emploient la plupart des experts médiatiques qui défilent sur les chaînes pour nous dire tout le bien qu’ils nous veulent ; autre exemple, Jeff Bezos, encore lui, qui a acheté le journal Washington Post, probablement dans des intentions meilleures que le milliardaire Xavier Niel qui déclarait : « Quand les journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et après, ils me foutent la paix. ».
Ma foi, si l’extrême richesse de Jeff Bezos est animée de bonnes intentions…