LIBRE JOURNAL DE SALSA BERTIN, CHRONIQUE #1

CHRONIQUE SALSA BERTIN #1 : PAIX chronique du 29 novembre 2023

Depuis novembre dernier, je tiens une chronique mensuelle dans le libre journal de Salsa Bertin sur Radio Courtoisie. J’ai décidé d’en publier les textes. Le premier mot à tiroir proposé Paix, m’avais donné du fil à retordre. Le trac, aussi, pour cette première chronique radiophonique.

Je ne sais pas si je dois vous remercier de m’avoir proposé d’inaugurer cette chronique avec un mot aussi galvaudé et générique que le mot PAIX. 

Je vais commencer par la définition du Robert historique. Paix : acte de passer une convention entre deux parties belligérantes ; absence de guerre ou de conflit qui en résulte… 
Il est intéressant de noter que jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’absence de guerre s’est appelée « paix armée ». Depuis 1945 et la guerre froide, elle s’appelle « équilibre de la terreur », ce qui a de la gueule… 
On a cru un temps que la fin de la guerre froide marquait « la fin de l’histoire » (c’est la thèse de Francis Fukuyama), une drôle de paix qui n’excluait pas les conflits mais signifiait la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme sur les autres régimes. 
L’hypothèse d’une société néo-libérale repose sur l’idée que le libre échange généralisé représente le meilleur fondement possible pour l’harmonie sociale donc, pour la paix. Selon l’excellent sociologue Jean-Claude Michéa, c’est une idée paradoxale puisqu’elle repose sur l’hypothèse d’un monde où les individus sont gouvernés par la cupidité. Dans ce monde, le seul mécanisme possible de l’harmonie sociale est le marché. Non content de réduire les hommes à l’appât du gain, cette thèse affirme que cela mène, sans l’opération du saint esprit, à une société idéale et vertueuse.  

Les démocraties libérales promeuvent presque exclusivement le potentiel consommateur de l’individu. Le bonheur y est réduit au pouvoir d’achat sous le nom de « consommation des ménages » ; l’individu y est précarisé au nom de la concurrence – précarisé pour les pauvres, nomadisé pour les privilégiés ; c’est l’individu nomade prophétisé par Jacques Attali et joué par George Clooney dans le film Up in the air
Dans ce régime en paix, il n’y a de place que pour les pulsions consuméristes et hédonistes – c’est-à-dire qui concernent le plaisir. 
L’Union européenne a été créée selon ce principe ; elle l’a d’ailleurs repris en slogan sous la forme – ne riez pas – « l’Europe c’est la paix ». Mais l’Union européenne a aussi été créée sous un autre prétexte (d’ailleurs mensonger (1)) celui de la la concurrence avec les États-Unis, donc : la guerre économique. Elle a même créé une direction générale spécialement dédiée à la concurrence, quasiment élevée au rang de pratique religieuse

Dans le monde réversible des démocraties libérales, on peut aussi appeler la paix, « guerre de tous contre tous » ; il ne s’agit pas d’une situation où les gens s’entretuent mais d’une situation où chaque individu est en concurrence avec les autres et ou le meilleur gagne : et le meilleur, ce n’est pas le meilleur, c’est le plus fort. 
Ce système, soumis à la loi du plus fort (j’en profite pour vous renvoyer à la fable de Lafontaine Le loup et de l’agneau) ce système donc, donne naturellement lieu à toutes les inversions
George Orwell l’a prophétisé dans son roman 1984 avec sa formule : « La guerre c’est la paix. » qui offre deux interprétations : 
– La guerre est un signe de paix dans un monde où il ne faut pas se fier aux apparences mais uniquement aux discours officiels ;
– La paix cache une guerre invisible dans un monde où tout est réversible.
L’inversion des valeurs étant devenue la norme, elle produit un président qui parle comme il respire : les lapsus lui permettent parfois de dire, accidentellement, la vérité. 
Il a ainsi déclaré « J’assume totalement d’avoir parlé avec le président de la Russie pour éviter la paix, pour éviter la guerre, pardonnez-moi… » Vous trouverez cette séquence vidéo en tapant “Macron lapsus” (2). 
Et pour finir, à propos de menaces pacifiques, en anglais, un “pacifieur”, “pacifier” est une tétine. 

Dans le monde rêvé par le fanatique du transhumanisme Yuval Noah Harari, auteur du best seller Homo deus, la tétine est aussi destinée à l’usage des adultes. Comme dans le roman Le meilleur des mondes avec sa société parfaitement pacifique et cauchemardesque, Harari nous promet que les improductifs seront tenus en respect au moyen d’un mélange de cocktails de drogues et de divertissements… c’est-à-dire la paix artificielle pour le consommateur poussé au dernier stade : le toxicomane. 

  1. Puisque l’Union européenne est une création des États-Unis et que quoi qu’il en soit, Barack Obama en son temps s’était plusieurs fois prononcé contre le Brexit, ce qui signifie que l’Union de la Grande Bretagne avec l’U.E. ne faisait pas d’ombre aux E.U.
  2. https://www.youtube.com/watch?v=wzXoroOq6Qg&ab_channel=Dr.VSpineRachis

Illustration : Gerhard Glück

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