TOXICOLOGIE DE LA RELATION ABUSIVE ORDINAIRE (1)

J’ouvre ici une série d’articles sur un sujet inhabituel dans ce blog, en espérant que les exemples qui la nourrissent seront utiles aux personnes soupçonnant d’être prises dans une relation abusive. Je sais d’expérience que cette prise de conscience peut prendre très longtemps, à plus forte raison quand les relations sont teintées d’affect. Je ne parlerai ici ni de relations de couples, ni de relations d’emprise, j’éviterai les étiquettes en me concentrant sur les manifestations malveillantes plus ou moins sournoises caractérisant certaines relations, en partant d’exemples concrets et en évitant la théorie.


Depuis au moins deux décennies, la représentation du bien et du mal dans les séries télévisées s’est complexifiée, plaçant au centre de leurs intrigues des personnages négatifs ou douteux travaillant pour le camp du bien. Parfois pour le meilleur : je pense au formidable Vic Mackey de The shield, une sorte de Dirty Harry hyperactif pour qui tous les moyens illégaux sont bons pour lutter contre le crime, sans oublier de s’enrichir au passage… Ou pour le pire (dans le sens racoleur et psychologiquement invraisemblable, mais pourquoi pas ?) avec Dexter et son postulat paradoxal d’un psychopathe qui aurait réussi à canaliser ses pulsions… grâce aux conseils de son père adoptif, alors que dans la réalité, le psychopathe (qui n’est que très rarement un tueur) se définit par l’absence de père et de sens moral, et par le flou identitaire entretenu par la mère abusive. Au passage, l’État ou le gouvernement abusif, qui infantilise sous prétexte de protéger, pourra très bien prendre le relais (la Matrice, la démocratie libérale). 


RELATION VAMPIRIQUE
La relation psychopathique est également au centre de la série Damages, où Glenn Close joue le rôle de Patty Hewes, une avocate machiavélique, dénuée du moindre état d’âme. Dans la première saison, cette avocate est au service – lucratif – du bien puisqu’elle combat dans la première saison, une sorte de Bernard Madoff qui a abusé de la confiance de milliers de personnes et les a ruinées. 
Mais la relation abusive se noue entre Patty Hewes et une jeune avocate, Ellen Parsons, qu’elle parvient à engager, alors que celle-ci avait décliné une deuxième proposition d’entretien, qui devait avoir lieu le jour du mariage de sa sœur (faisant donc passer sa famille avant sa carrière). Hewes ira la rencontrer par surprise au mariage, où elle parviendra sans même avoir l’air d’insister à la faire changer d’avis. 
Lors de sa première visite au cabinet de Patty Hewes, Ellen Parsons aperçoit un collaborateur à son bureau ne portant pas de pantalon, puis le service de nettoyage à sec livrant les vêtements des employés qui ont dormi au bureau. Absence de temps personnel, de vie privée, de droit à la pudeur, d’intimité, bref : don total de soi. On n’est pas si loin de ces grandes sociétés qui inculquent leurs « valeurs » à leur personnel, afin de créer une identification, une forme de dépersonnalisation. 
Une personne connaissant très bien Patty Hewes adressera un avertissement à Ellen – Vous et votre fiancé, vous êtes heureux ? – Oui. – Alors je suis désolé de l’entendre car vous allez vous rendre compte qu’il n’y a pas de place aux yeux de Patty Hewes pour votre fiancé, ni même pour vous. 
Nous sommes dans une série de fiction criminelle, et c’est une illustration sanglante de cet égotisme carriériste qui sera exposée au long de ce premier épisode, à coups de flash-forwards successifs, nous laissant deviner les ravages que va infliger cette dangereuse collaboration à Ellen Parsons, en montrant notamment le corps sans vie de son fiancé dans leur salle de bain. 
Mais enlevez les cadavres, les millions de dollars en jeu et les relations professionnelles et vous obtenez un cas de relation abusive malheureusement ordinaire, surtout depuis que la relation avec le pouvoir “démocratique” a pris un caractère abusif assumé à partir de 2020 : mensonge, duperie, culpabilisation, injustice, extorsion, intimidation, menace, etc. (1). « Ce qui est en haut étant comme ce qui est en bas », si on me permet le détournement de cette formule alchimique, les garde-fous sont tombés. 

Il va donc être question dans cette série d’articles de la relation abusive ordinaire. Je vais parler du point de vue de l’expérience et du témoignage, avec le secours occasionnel de la fiction et le recours au vocabulaire des passions humaines négatives ordinaires que sont la duplicité, la méchanceté, la malhonnêteté, la mauvaise foi, la lâcheté, la fausseté… Il y aurait un livre à écrire sur ces individus persuadés d’être infaillibles : prisonniers de leur égo idéalisé. Ils se ramassent à la pelle dans les jardins de grands enfants.
Au printemps 2023, j’ai co-fondé avec trois camarades une association, Artémus, qui organisait des conférences et enregistrait des podcasts avec des personnalités de ce qu’il faut bien appeler la dissidence dans un climat de censure intellectuelle inédit en « démocratie » (2). Ce beau projet était le résultat de la conjonction de plusieurs bonnes volontés et aussi l’exaucement d’un vieux rêve en ce qui me concerne. Cela m’a donné l’occasion de rencontrer Étienne Chouard, Marion Sigaut, Valérie Bugault, Youssef Hindi, Salim Laïbi ou Lotfi Hadjiat (j’ai publié un article sur son livre Les ennemis de l’humanité). 

UN CAS D’HOSTILITÉ MANIFESTE
Il y a un peu plus d’un an, j’ai été purement et simplement éjecté de cette association suite aux manœuvres d’un des co-fondateurs de l’association. Je l’appellerai HAL (3), comme l’ordinateur du film de Kubrick : 2001 odyssée de l’espace. Les noms des autres participants de l’association seront eux aussi modifiés. Curieusement, alors que son hostilité était manifeste depuis longtemps, ce n’est qu’une fois éjecté de cette association que je me rendrais compte que c’était le but poursuivi par HAL depuis plusieurs mois. Ou disons qu’il était pris dans une logique de western : « Cette association est trop petite pour toi et moi ». 
HAL s’était imperceptiblement, “naturellement” posé en chef à la faveur de compétences objectives : pour la coordination, la “séduction sociale”, la prospection d’invités. Ces talents ne tarderaient pas, en ce qui me concerne, à révéler des qualités plus obscures. Très vite, je me suis vite trouvé en butte à des critiques arbitraires, acerbes et personnelles.
Que ces critiques soient justifiées ou non entre peu en ligne de compte dans la mesure où elles participeraient d’une stratégie d’intimidation, dans laquelle je servirais d’ “exemple”. Je note en passant que HAL se gargarisait des mots « bienveillance » et « professionnalisme ». Nous étions tous des amateurs, à l’exception de la personne qui a créé bénévolement (comme nous tous) le site internet de l’association, et le graphiste. Il me reviendrait d’ailleurs aux oreilles que la maîtrise de son métier serait jugée par HAL comme une forme de psycho-rigidité. 
Comme c’est souvent le cas, les personnes prisonnières d’une vision idéalisée d’elles-mêmes qui épinglent les travers des autres font très souvent un autoportrait, d’autant qu’elles ont tendance à cibler des personnes qui, sans qu’elles s’en rendent compte, les menacent sur ce qu’elles ont de plus vulnérable, qu’elles fortifient par une tactique d’agression préventive. 
HAL considérait ses volontés comme des lois immédiatement applicables et se signalait par une haute estime de lui-même (l’auto-persuasion venant en renfort de qualités objectives) ; cette estime s’exprimait par une vision essentiellement négative et supérieure des autres – une fois qu’il en avait tiré ce dont il avait besoin. 
Le graphiste de l’association se trouvait être mon compagnon, et le quatrième co-fondateur de l’association, parti au bout de deux mois, m’apprendrait par la suite que HAL nous appelait « monsieur et madame » depuis longtemps, même avant que les choses ne se gâtent ; je n’ai pas de raison de penser que ce trait de médiocrité amusait les autres membres de l’association. La même personne me raconterait qu’après son départ, HAL et Sammy s’étaient livrés sur lui à une opération d’intimidation au moment de remettre les informations bancaires. Je savais cela vrai : HAL  et Sammy s’en étaient vantés. Je dois dire qu’à cette époque, tout en trouvant leur embuscade superflue, je n’avais pas compris les raisons de son départ soudain. Plus d’an plus tard, en parlant avec lui au téléphone, il deviendrait clair qu’il avait compris quel type d’individu était HAL.

PREMIÈRES HOSTILITÉS
Avant que ce dernier ne passe véritablement à l’offensive, il s’était produit entre nous ce que j’avais pris pour un malentendu, que j’avais cru dissiper par téléphone. Quoiqu’elle se soit passée dans le calme (pour la dernière fois), j’ai constaté à la fin de cette discussion que l’expert en psycho-rigidité n’avait fait strictement aucune concession à ma mise au point. Lors du malentendu suivant, plusieurs mois plus tard, à l’occasion d’une nouvelle critique péremptoire, HAL ne daignerait même plus me répondre. Il déciderait au contraire que c’est lui qui avait des choses à me dire, organiserait une “mise au point” entre nous deux, pour m’accabler de critiques absurdes et d’attaques personnelles, finissant par me menacer physiquement (!) après avoir fait mine de me donner la parole. Je précise que ses menaces, quoique HAL soit beaucoup plus costaud que moi, ne m’ont pas impressionné.
Beaucoup plus éprouvante aura été la guerre psychologique constante qu’il me livrerait pendant les mois à venir. 
Cette guerre avait commencé par une engueulade publique, devant les autres membres d’Artémus, déclenchée par une remarque tout à fait anodine que je lui avais adressée. J’ignore s’il avait prémédité cette opération ou si vraiment il est sorti de ses gonds. En règle générale, je crois le contrôle que ces personnes exercent sur eux-mêmes très illusoire dans la mesure où ils sont le jouet de leurs mauvaises passions. Telle que je le perçois , cette engueulade, aura eu pour résultat de sidérer durablement les membres de l’association, mais aussi de normaliser un comportement abusif, que je n’entendrais jamais personne dénoncer ni même critiquer ; il faut dire qu’un autre outil dans la panoplie de manipulation de HAL était la séduction, exclusivement dirigée vers les autres, pour qui il montrait sollicitude, compréhension, indulgence… Avis aux amateurs de la tactique : diviser pour régner.

L’ARSENAL DU “BULLY”
Bully est un mot anglais pour lequel la traduction la plus proche serait “persécuteur”.
Voici comment la malveillance de HAL s’est manifestée : 
– Comportement capricieux : prétendant ne pas admettre que que l’on puisse (moi du moins) avoir d’autres priorités ponctuelles que les activités d’Artémus, priorités qu’il se revendiquait pour lui-même ; 
– Refus d’entendre mes explications sur des reproches adressés ; 
– Attribution puis retrait arbitraire de tâches ; 
– Double contrainte : critique d’un travail que j’avais fait à sa demande suivie de l’interdiction de demander leur avis aux autres sous prétexte que les tâches seraient « compartimentées » ; il faut reconnaître à HAL le génie de mettre les gens devant le fait accompli, à commencer par l’élimination pure et simple d’un esprit collégial ;
– Sabotage : HAL m’avait par exemple demandé de préparer un plan  pour une interview d’invité, plan qu’il saboterait dès le début de l’enregistrement ;
– Comportement désobligeant devant les autres, voire humiliant, allant jusqu’au puéril : imitations moqueuses, yeux levés au ciel sur une simple question de ma part… 
– Menaces verbales et comportement intimidant devant témoins lors d’une réunion, se disant capables de me dire « des choses de nature à me faire pleurer » (phrase parfaitement mystérieuse, du reste) ;
– Menaces physiques : au terme d’une “discussion” vive, il me lancerait qu’il était « À deux doigts de m’en coller une ». 
Je précise d’ailleurs que Sammy, un autre membre originel de l’association, qui se prétendait mon ami, minimiserait et relativiserait tous les débordements de HAL, les considérant – y compris les menaces – comme « normaux ». Or Sammy était loin d’être une personne mauvaise, mais s’identifiait – j’ignore pourquoi – à HAL. Particulièrement déroutant aura été le comportement de Sammy, se prétendait mon ami, tout en disant ne pas vouloir prendre parti – mais ne pas prendre parti ne signifie pas nier qu’il puisse y avoir un agresseur et un agressé – et s’alignait systématiquement sur le point de vue de HAL. 

UN COMPORTEMENT VIRAL ?
Pour être juste, je ne suis pas sûr d’avoir échappé à l’influence délétère de HAL (dont je vois encore l’œil unique rouge braqué sur moi) avant de me trouver dans son collimateur à mon tour. Lors d’une des premières réunions, je m’étais emporté contre une personne de bonne volonté qui nous avait proposé son aide. Cette volontaire, que HAL estimait indésirable et qu’il avait entrepris de déstabiliser et d’effrayer, afin de la décourager de travailler avec nous, avait obtenu de pouvoir s’expliquer lors d’une réunion avec nous. C’est au cours de cette réunion que je m’étais emporté contre elle, d’une manière que je m’explique mal… peut-être par identification à l’association, à ce que je prenais pour des affinités intellectuelles entre ses quatre membres fondateurs (dont HAL, donc)… cela dit, je n’exclus pas mes propres mauvaises raisons pour mes débordements d’humeur. Quoi qu’il en soit, j’ai par la suite trouvé l’occasion de m’excuser auprès de cette personne. 
Au bout d’un an, la situation est devenue invivable. Mon départ s’est finalement joué en avril 2024 à l’issue d’un vote, que j’ai proposé de guerre lasse, mais sûr qu’il trancherait en ma faveur. Seules trois personnes sur les sept membres d’Artémus ont participé (dont HAL et Sammy, alors que logiquement, j’aurais dû participer). C’était une idée de Sammy, du moins c’est ainsi qu’il me l’a présentée, idée que j’ai commis l’erreur d’approuver. Lui et la troisième personne me confieraient que HAL avait annoncé la couleur : si le vote jouait en ma faveur, c’est lui qui partirait. Or HAL s’était déjà affirmé comme la colonne vertébrale d’Artémus. Sammy est le seul à avoir voté en ma faveur, sachant déjà, si j’ai bien compris, que cela ne faisait aucune différence. 
J’aurai au moins eu la satisfaction d’avoir dit, au cours de la dernière réunion que je n’avais pas co-fondé une association pour tomber sous les ordres d’un petit chef et avoir fait remarquer à HAL, qui voyait d’un mauvais œil que je pointe l’index dans sa direction, que pour une personne aussi agressive que lui, il avait des sensibilités de princesse au petit pois.

UN ENTERREMENT DE PREMIÈRE CLASSE
Le coup de pied de l’âne me serait infligé dans un message écrit par HAL aux deux autres votants et à moi-même, message dans lequel il affirmait avec son outrecuidance caractéristique que contrairement à ce que j’avais écrit (en fait contrairement à ce que les deux votants m’avaient dit et contrairement aux FAITS), tout s’était fait dans les formes.

Ton interprétation des événements lorsque tu parles de « chantage », […] reste vraiment « ton » interprétation. Quant aux « menaces, intimidation, moqueries, mépris » que tu me prêtes, elles sont aussi une interprétation de ta part.

Le langage pervers s’épanouit dans ce message, où les faits deviennent “interprétations”. Or quand je dis que HAL a fait venir beaucoup d’invités prestigieux à Artémus, c’est un fait, ce n’est pas une interprétation. 
Non seulement HAL avait obtenu ce qu’il voulait mais en plus il prétendait en détenir le récit officiel (et comme dans tout exercice de pouvoir illégitime, officiel devient authentique). Ce degré de volonté de contrôle suggère que, quelque toxiques qu’ils puissent être, les abuseurs répondent, et ce de manière épidermique, à quelque chose en l’autre qui les menace profondément. 
Personne n’a confronté HAL à ses mensonges. Sammy me dirait par la suite qu’il n’avait – commodément – pas lu sa réponse. Comme on dit : avec de tels “amis”, on n’a pas besoin d’ennemis. C’est au hasard des publications sur Facebook que j’apprendrais que ce que j’avais subi s’appelait une « blessure de trahison ». J’apprendrais aussi que les dépressions (même légères) sont des phases de transition qui nous obligent à affronter nos émotions et nos sentiments, des sortes de crises d’adaptation. 

Si HAL avait eu face à lui lors du vote des personnes plus vaillantes, aurait-il obtenu mon éviction ? La question est : quel intérêt aurais-je eu à rester dans la proximité d’une personne aussi hostile ? aussi “déterminée” ? (même si je sais, pour avoir rencontré d’autres manipulateurs de ce type, que leur mouvement imite la fuite en avant). Il y aura aussi à dire sur la fonction paradoxale de la victime pour celle qui l’assume temporairement. Je reviendrai dans la dernière partie de cette série à ce que Carl Jung nomme la nécessité d’affronter son ombre
Enfin, en agissant à découvert, HAL, sans que j’excuse ses actes de quelque manière que ce soit, m’a rendu service. Car la relation abusive (terme que j’emploie dans un sens large ; on pourrait parler de relation  indésirable) est plus difficile à détecter quand elle se manifeste par une hostilité déguisée sous les sentiments amicaux ou familiaux. 
Ce sera l’objet des articles suivants.

Illustration : Tableau de Joseph Ducreux : Un moqueur montrant du doigt

/À SUIVRE/

1. Qu’on ne s’y trompe pas, l’épisode Covid aura vu l’établissement d’une relation abusive par les pouvoirs en place, qu’ils soient nationaux ou supra-nationaux : oubli des règles d’immunologie, violation du consentement libre et éclairé, transformation de la population en cobayes, intimidation, terreur, chantage, culpabilisation, interdiction de soigner, punition du respect du serment d’Hippocrate, règne de l’absurde (assis-debout-couché, auto-attestation…), coercition afin d’administrer un produit inconnu et expérimental, empoisonnement… Le graphique des critères qui déterminent une relation abusive se trouve sur cette page : https://x.com/_h16/status/1371872102484209669

2. Où les élus ne font même plus semblant de représenter le peuple.

3. Le nom de l’ordinateur meurtrier a été choisi en sélectionnant dans l’alphabet les lettres précédant IBM.