LE DÉMON À L’ENDROIT #3 : LE GÉNITEUR DU BÉBÉ DE ROSEMARY

Ma dernière visite à Lille en septembre a été l’occasion de constater la présence, devant la gare Saint Sauveur, d’un bébé-démon géant rescapé de l’édition 2009 de l’exposition en plein air Lille 3000. Il faisait partie d’une série d’une dizaine de sculptures exposées dans le centre intitulé « parade des Anges et Démons ». Titre doublement trompeur. En effet, la douzaine de sculptures exposées dans la rue) n’étaient pas des anges et des démons mais des êtres « mi-anges mi-démons », ce qui est une aberration puisque le caractère hybride est un trait propre aux démons, non aux anges, qui sont des êtres purs. Qu’on en apprécie ou non les éventuelles qualités esthétiques, plastiques ou spectaculaires, l’art officiel dit contemporain, quand il daigne se faire figuratif, annonce de plus en plus clairement la couleur. Et cette couleur est assez sombre.


L’argumentaire du texte de présentation dissipe tout doute possible à l’entendement de qui sait voir et lire : « Réalisé par le collectif d’artistes russe AES+F, ce curieux bébé oscille entre ange et démon (1). Le Mal peut ressembler au bien et vice versa (2). Il incarne peut-être un nouvel âge (3). »
1. Oscille… Vraiment ? Il semble au contraire avoir rejoint « le côté obscur de la force ». 
2. « Ressembler »… est-ce à dire : « être confondu avec »… ? La confusion entre les notions de  bien et de mal s’installe en réduisant la vision du monde au point de vue individuel. Ce ne sont pourtant pas des points de vue individuels qui modifient les sociétés, mais des groupes organisés (institutions, lobbies réseaux occultes parmi lesquels les services secrets…). Se rappeler que l’art monumental est une émanation du pouvoir fournit une piste de réflexion non négligeable.
3. L’argumentaire semble suggérer que ce nouvel âge, cet âge de (con)fusion entre le bien et le mal, est aussi nécessaire qu’inévitable (ne pas oublier que cette rhétorique fataliste vient d’en haut). En ce qui concerne les affaires terrestres, seule la morale traditionnelle, conventionnelle dans le bon sens du terme, inspirée du droit naturel, est véritablement égalitaire. Tandis que cette “morale” ne peut en définitive que servir la loi du plus fort. Il s’agit depuis 2020 d’un fait accompli : l’arbitraire est assumé comme l’esprit et la lettre du pouvoir, qui a normalisé le viol du principe de consentement libre et éclairé, la persécution du peuple et la ségrégation. 

L’ENFANT MALÉFIQUE DANS LA FICTION
Ce qu’on implante dans l’imagination du public n’est pas innocent. Le thème de l’enfance maléfique, comme tout ce qui a trait au mal, avait été pris en charge par le genre fantastique. Dans la culture populaire, l’enfance reste un domaine protégé. Dans la science-fiction, quand l’homme crée la vie, il la crée déjà dans sa forme adulte (Frankenstein). Deux contre-exemples me viennent à l’esprit : le bébé créé par l’ordinateur central domestique dans Génération Protéus et le bébé, indirectement créé par la mort de l’ordinateur dans 2001, Odyssée de l’espace. Dans son essai malheureusement non traduit : Monsters from the id, E. Michael Jones explique que le cinéma horrifique est le lieu où remontent les questions interdites par la libération sexuelle : le refoulement du traumatisme de l’avortement dans Alien, la valorisation de la virginité dans les films de tueurs en série (notamment la série des slashers des années 80 Vendredi 13, jusqu’au récent Cabin in the woods, qui reprenait de manière roublarde les codes du genre) où la survivante est toujours celle qui a préservé sa vertu, comme dans Halloween de John Carpenter (1978). En fait, le thème du bébé maléfique ne s’inscrit pas tout à fait dans le cadre de cette contestation indirecte et imagée de la révolution sexuellet ; pourtant, il vient contester le principe rousseauiste selon lequel l’homme naîtrait bon et serait corrompu par la société, postulat qui entraîne la négation de la responsabilité individuelle et la nécessité de réformer la société, de peur que la liberté individuelle ne transforme celle-ci en champ de bataille ; mettre l’humanité en coupe réglée est le programme des utopies : vouloir le bien de l’homme contre son gré.
On trouvera des exemples notables de l’enfance maléfique dans le fascinant Tour de l’écrou de Henry James (récit volontairement ambigu qui laisse le lecteur dans l’incertitude quant à la question de savoir si tout s’explique par l’action maléfique des enfants ou par l’hystérie de leur nurse), Rosemary’s baby, où il est question de l’enfantement du fils du diable ou The Middwich cuckoos (Le village des damnés en français), où les enfants maléfiques ont été conçus par une force invisible, probablement extra-terrestre après que le village a été totalement coupé du monde pendant une nuit.
Quand le cinéma fantastique et horrifique, heureusement très avare en représentations de meurtres d’enfants, déroge à cette règle, il fait en sorte de le justifier : Le petit frère lancé d’un hélicoptère dans dans The body snatchers (Abel Ferrara, 1993) a déjà été remplacé par les graines extra-terrestres. Le spectateur comprend très bien que cette créature n’a de l’enfance que l’apparence. Dans Dawn of the dead (Zack Snyder 2004), remake du film de George Romero (1978), une femme mordue par un zombie finit par accoucher d’un bébé mort-vivant, trouvaille audacieuse dans un remake réussi et parfaitement pessimiste où l’anthropophagie de l’original est édulcorée, mettant en évidence le thème de la transmission épidémique.

AGRESSION DE L’ENFANCE
Dans le monde réel, matérialisant des peurs que même le cinéma horrifique n’avait que rarement affronté, c’est la politique qui pervertit le thème de l’enfance :
– En l’assimilant à une forme de parasitisme qui ne peut être combattu qu’en refusant de procréer, selon certaines mouvances « écologiques » (les guillemets se justifiant ici par le fait que cette mouvance semble se préoccuper davantage de polluer des environnements mentaux que de protéger l’environnement naturel) ;
– En la sexualisant, sous prétexte de la protéger par l’enseignement du principe de consentement sexuel, alors que tout principe de consentement a été confisqué aux adultes, à commencer par leur droit à élever leurs enfants comme ils le veulent (1)
Mais il ne faut pas voir de contradiction avec le négationisme du sexe biologique appelé théorie du genre (dont la menteuse Najat Vallaud-Belkacem avait déjà nié l’existence tandis qu’elle entrait dans les manuels scolaires).

NUNUNU
Le mensonge principal de la publicité est de faire croire qu’elle vend des produits alors qu’elle distille une idéologie. Cette convergence des luttes nihilistes était déjà assumée dans le film publicitaire pour la marque israélienne de vêtements « non genrés » pour enfants Nununu, promue par la chanteuse Céline Dion (2)… Le message du film publicitaire est parfaitement explicite : Un des premiers plans montre Céline Dion dans un taxi tandis que sa voix off dit le texte suivant : « “Nos enfants”, ils ne sont pas vraiment nos enfants… ils sont des chaînons faisant partie d’une chaîne infinie qui est la vie… » Cette
« chaîne de la vie » n’est qu’une manière détournée d’évoquer l’annulation des prérogatives parentales naturelles (qui était déjà à l’œuvre dans la prétendue école gratuite et obligatoire, qui était en fait une décision maçonnique visant à limiter l’influence du christianisme sur les nouvelles générations).
Arrivant dans une salle de maternité où les bébés sont répartis entre aile bleue pour les garçons et aile rose pour les filles, Céline Dion souffle sur eux une poussière étincelante et noire qui métamorphose leur environnement : les bébés ne portent plus que des vêtements noirs frappés de motifs blancs ou inversement : grenouillères à motifs d’étoiles noire, de croix carrées inscription en majuscules et caractères gras NEW ORDER… 

Il se pourrait que dans leur désir manifeste d’éviter la mièvrerie propre aux produits liés à la petite enfance, les deux créatrices de la marque israélienne, respirant la joie de vivre : patibulaires et habillées de noir, soient « passées du côté obscur de la force ». La vision qu’elles projettent de l’enfance est dépressive, sinistre et totalement vidée de toute vitalité. L’avenir est sombre, pour ne pas dire ténébreux. Un coup d’œil à leur ligne de vêtements permet de se faire une meilleure idée: même un tee-shirt frappé du slogan DO NOT TOUCH (ne pas toucher) met mal à l’aise ; le slogan est accusateur (c’est le propre des victimes n’ayant pas identifié leurs véritables agresseurs de les voir partout ; serait-ce le cas de Iris Adler et Tali Milchberg, les deux stylistes de la marque ?).

Ce prêt-à-porter se fait le complice d’une idéologie mortifère, toxique, et fourbe, qui en revendique du droit à l’affirmation d’être soi – mythe de l’individu sui generis, coupé de toute filiation, portée par le lobby LGBT – prétend que la castration chimique et la mutilation chirurgicale. Comme l’explique Lucien Cerise dans Neuro-pirates, cette idéologie est l’avant-garde du transhumanisme, idéologie scientifictionnelle du perfectionnement de l’homme par l’homme, c’est-à-dire à la guerre contre le principe même d’humanité. 

  1. Rappelons que cette « éducation » perfide au consentement sexuel (énoncé qui comme le dit Ariane Bilheran est pervers du simple fait que les droits sont censés protéger contre les pulsions) intervient alors que les adultes sont dépouillés de leurs prérogatives ; pendant la période de malédiction confinementielle, un adulte ne portant pas de masque facial (médicalement inutile) dans une boutique pouvait se voir verbalisé, tout comme le propriétaire ou le gérant du commerce, cette mesure annulant de facto toute notion de responsabilité individuelle.
  2. Film publicitaire pour la marque Nununu : http://www.youtube.com/watch?v=StQXEe4bF2c&ab_channel=NUNUNU