PARTOUT ET NULLE PART

Sorti en 2016, le film d’Yvan Attal intitulé Ils sont partout, n’a guère rencontré de succès. Normal pour un film qui pour développer sa thèse est obligé d’accuser son public. Qui est prêt à payer plus de dix euros pour se faire soupçonner d’antisémitisme pendant près de deux heures, sachant que ceux qui sont susceptibles de ne pas se sentir insultés représentent, selon Attal lui-même 0,2 % de la population mondiale ? Mais, précisons-le, 1 ou 2 % de la population française, ce qui n’en fait pas une minorité invisible ni inaudible pour autant.

OMNIPRÉSENCE
Le titre est culotté. Qui est ce “Ils” ? QUI ? Je vous le demande.
Eh bien il s’agit des antisémites. L’accusation à souvent force de preuve comme il y a vingt ans quand la veule intelligentsia française est tombée sur le dos de Renaud Camus avec la même accusation et que le magazine Les Inrockuptibles a vu dans la judéophilie affichée de l’écrivain une preuve de l’antisémitisme qu’ils lui reprochaient. On ne s’en sort pas. Dans les procès staliniens aussi, les protestations d’innocence étaient considérées comme des signes de culpabilité.
Le film s’adresserait donc à ceux qui ne sauraient pas que nous vivons dans une société où l’antisémitisme est considéré comme LE péché idéologique capital.
Très vite, Ils sont partout gêne – je ne dis pas dérange – et pour de mauvaises raisons. D’abord parce qu’« ils » sont aussi dans la salle de cinéma devant leur écran de télévision à regarder ce film, puisqu’« ils » sont partout. Ensuite parce que, antisémite ou pas, le spectateur se fait sermonner pendant 1h50 ; c’est presque aussi agréable que d’écouter Mathieu Kassovitz ou François Berléand faisant leur leçon de grands bourgeois à propos des Gilets jaunes.
Yvan Attal a oublié une règle essentielle de la comédie : faire rire aux dépens du personnage principal (et peut-être faire rire tout court). Les saynètes qui relient l’ensemble montrant l’acteur-réalisateur jouant son propre rôle chez le psy, sont parfaitement sinistres. On est loin du Woody Allen de Annie Hall.

RIRE OU NE PAS RIRE ?
« Le fait d’être un juif séfarade fait partie de mon identité mais c’est une partie qui reste strictement intime, qui ne fait en rien partie du monde extérieur », confie Yvan Attal, comme son prénom caché, son « prénom de l’intérieur ». Cette notion reste difficile à comprendre pour des gens qui n’ont que des prénoms de l’extérieur. Alors, intime ou pas intime ? Secret ou pas secret ? À quand une comédie sur la franc-maçonnerie ?
Devant son psychiatre, Attal fait semblant de se livrer à une sorte d’examen de conscience pour examiner la mauvaise conscience des autres. C’est tout de même plus confortable (la forme collective de ce travers s’appelle le gauchisme).
Le premier sketch du film suit le mari d’une chef de parti politique d’extrême droite qui se découvre juif. Le personnage joué par Benoît Poelvoorde finit par exercer un chantage auprès de sa femme pour devenir chef de parti à sa place. Attal et la co-scénariste Émilie Frèche leur ont écrit ce dialogue qui survient au moment où sa femme est acculée à céder au chantage de son mari.
« – Je pourrais devenir riche maintenant que je suis juif.
– Tu es une véritable ordure.
– Non : un sale juif.
»
J’imagine le spectateur se tortillant dans son siège : est-ce le goy qui parle et expose ainsi sa bassesse ou le celui qui se découvre soudain juif ? Rire ou ne pas rire ?
On apprend incidemment que le pays idéal pour un dirigeant d’extrême droite est un pays sans noirs, sans arabes, sans juifs. Demandez à l’humoriste Greg Toussaint, qui ne cache pas son admiration pour Jean-Marie Le Pen, ce qu’il en pense. Plus sérieusement, le Front National, quand il s’appelait ainsi, accueillait déjà de nombreux Français d’origine étrangère. La vérité est toujours complexe.
Rappelons aussi, que le pourfendeur de presque toutes les extrêmes droites Bernard-Henri Lévy se bat contre tous les nationalismes… sauf le nationalisme israélien. Elisabeth Lévy le lui avait timidement fait remarquer devant les caméras de télévision, elle n’avait pas insisté , c’est bien regrettable et c’est peut-être la seule fois que cette pétulante journaliste a fait preuve de timidité.
Yvan Attal et sa co-scénariste Émilie Frèche sont-ils bien placés pour faire l’apologie du métissage, qui depuis trente ans marche main dans la main avec “la lutte contre l’extrême droite” ? Nicolas Sarkozy l’était-il ? Yvan Attal est marié avec Charlotte Gainsbourg (nous y reviendrons plus loin) tandis qu’Émilie Frèche est mariée avec un juif séfarade, comme elle. Quant à Nicolas Sarkozy… eh bien lui aussi était un ardent chantre du métissage. Il ne s’agit pas ici, bien sûr, de reprocher à qui que ce soit de choisir des partenaires de la même religion, ethnie, etc.

OCCASIONS MANQUÉES
Les divagations auxquelles se laisse aller Yvan Attal face à son psy sont passablement tordues « Ma femme me dit que je suis totalement obsédé. Par les juifs. Que je ne pense qu’à ça […] On ne peut plus en parler ; […] de toute façon, on ne peut plus parler de rien… ». Profitons-en pour adresser toute notre commisération à Yvan Attal, dont la parole et la liberté d’expression sont à ce point entravées qu’il a été obligé de faire produire un film pour se faire entendre. C’est tout naturellement qu’il passe de ceci à cela : « Je pourrais inventer une application I-phone pour les reconnaître : les antisémites. », ce qui induit une grande confusion : ce raccourci pourrait laisser penser que les juifs et les antisémites sont les mêmes. Qu’on se rassure : il n’en est rien.
Le sketch sur le sujet “les juifs et l’argent” raconte l’histoire d’un juif pauvre dont l’ex femme est détestable : « J’ai épousé le seul juif qui a pas de thunes, c’est possible un truc pareil ? » Elle est méchante, cupide et grossière : une goy. C’est tout de même avec beaucoup d’insistance que le personnage joué par Danny Boon se met à croire que les juifs sont tous riches, bref, à raisonner à la manière dont Attal imagine que le font les goys.
Encore une fois : rire ou ne pas rire ?
Vient le sketch traitant du sujet de la sagesse juive, qui met en scène deux rabbins sympathiques. Il y aurait un potentiel comique à exploiter dans la loi talmudique qui interdit à un juif d’interrompre le sabbat pour venir au secours d’une autre personne en danger… sauf si cette personne est juive elle-même. Yvan Attal n’a pas choisi cette voie et expédie le sujet en 5 minutes.

POLICE DANS LA PENSÉE
« Oui, je suis inquiet je me dis que c’est dans ma tête, qu’il n’y a pas d’antisémitisme […] il paraît que les juifs sont paranos ; c’est vrai que des jeunes qui crient dans la rue “il faut égorger les juifs, c’est normal” (!!!) On insulte tous jours des gens parce qu’ils sont juifs […] mais je dois être le seul à la voir ou à l’entendre…  »
Où Yvan Attal est-il allé chercher qu’égorger qui que ce soit dans la rue – qui que ce soit – était considéré normal ? Ou qu’il serait normal d’insulter les gens en raison d’un trait identifiable ?
Yvan Attal est-il au courant que l’accusation d’incitation à la haine raciale – accusation légalement douteuse puisqu’elle promeut le procès d’intention – peut valoir de la prison ferme ? (mais uniquement s’il s’agit du soupçon d’antisémitisme). Et que cette notion d’incitation à la haine raciale est pour le moins… élastique ?
Au moment où Ils sont partout est sorti, l’écrivain Hervé Ryssen cumulait plusieurs mois de condamnation à la prison, où il a été envoyé par la suite, pour avoir simplement rapporté ce que Soljénitsyne explique en détail dans son livre Deux siècles ensemble (livres publié par Fayard en 2013 sans aucune publicité et vendu presque sous le manteau) c’est-à-dire : la disproportion de juifs parmi les bolchéviques (50 %), coupables d’un génocide du peuple russe, contre la proportion de juifs dans la population russe (5 %). Elisabeth Lévy l’avait écrit dans son livre Les rien-pensants et n’a fait l’objet d’aucune poursuite, ce dont d’ailleurs il faut se réjouir. Hervé Ryssen a par la suite été emprisonné pour des tweets qui ne contenaient aucune incitation à la violence ni aucune insulte. Ses livres extrêmement instructifs et documentés n’ont pas été visés par la justice.

EXAMEN DE CONSCIENCE ?
« Qu’est-ce qu’on aurait fait de mal ? Est-ce qu’on aurait appelé à tuer tout ce qui n’est pas juif ? Non. Est-ce qu’un juif a déjà organisé des pogroms, des autodafés ? »
Les Palestiniens apprécieront le négationisme attalien. À une autre période, l’industrie du goulag qui selon l’historien Sever Plocker (Stalin’s jews) aurait causé dix millions de victimes, soit la moitié du nombre total des victimes du communisme russe, a été l’œuvre d’un certain Yenokh Gershonovich Yagoda.
Attal continue « Les séfarades, à la limite, je veux bien comprendre : on est exubérants, on parle avec les mains… » Oui, Yvan Attal, on reproche aux séfarades ce qu’on trouve sympathique chez les Italiens et les gens du sud.
« … mais les ashkénazes, les pauvres ? Ils sont gentils, ils sont discrets, on dirait presque des goys. » (qu’Yvan Attal soit remercié pour avoir condescendu à ce compliment).
« Alors, quoi qu’on ait fait : pardon, je m’excuse. Je suis juif, je suis désolé, je m’excuse, mea culpa. On porte une croix. En fait, c’est nous les chrétiens. »
Si on n’était pas dans un film de cinéma, je dirais que le fait de s’excuser en prétendant être innocent relève de la communication perverse. L’affirmation audacieuse sert de transition avec le sketch suivant.

CHOUTZPAH ! *
Le sketch suivant risque de ne pas faire rire les catholiques. Sans trop entrer dans les détails, le Mossad envoie 2 000 ans en arrière un de ses agents avec pour mission de faire disparaître Jésus afin d’éradiquer du même coup l’antisémitisme. Lors de sa mission, l’agent rencontre Marie, dont un dialogue écrit à la truelle nous apprend qu’« elle a toujours été légère ».
On inspire, on expire.
L’agent anachronique finira par être pris pour le messie et crucifié. Si le ton reste celui de la comédie, on est loin de la folie des Monty Python et de leur Vie de Brian. Étrange comme le cinéma se permet avec le catholicisme ce qu’il ne se permet pas avec l’islam ou le judaïsme. Il est vrai que c’est sans risques.
Dans le dernier sketch, le président de la République propose un référendum qui donnerait à tous les Français la possibilité de devenir juifs puisque (et j’insiste sur les guillemets)
« Les juifs sont riches et solidaires… »
C’est, jouant son propre rôle, Claire Chazal qui annonce les résultat du référendum national, dont le logo s’inscrit sur une étoile de David, auquel 98 % des Français ont participé… Alors qu’une étoile de David (encore !) vient se superposer à la carte de France, Claire Chazal annonce « Les Français ont voté “oui” à 68 %… Shalom, mes frères. » Tout le pays est en liesse.
Retournant sur le fauteuil d’analysé, Attal se rend compte « Je suis complètement à la masse, je n’en peux plus d’être juif, je rêve d’être goy »… 
Son psychiatre lui demande si sa femme est juive Attal répond : « Oui… Non. » C’est un peu compliqué. Son père [Serge Gainsbourg] est juif, sa mère [Jane Birkin] non. D’un point de vue strictement juif, elle ne l’est pas. Mais avec le nom de son père, pour un antisémite, elle est juive. » Ce qui est une autre manière de dire que … les non-juifs sont sectaires ? Que les juifs sont sectaires ? Intéressant. Ils sont tellement partout qu’ils sont même dans le fauteuil d’Yvan Attal, qui a bien répondu : oui et non. La chauve-souris est-elle un oiseau ou un mammifère ? Oui et non.

Ils sont partout est difficile à aimer. En grande partie à cause de la manière ambivalente dont son auteur tourmenté nous fait part de sa difficulté d’exister. Nous ne pouvons que lui souhaiter de trouver la paix et de revenir avec un film plus généreux.


Pour une analyse critique, historique et religieuse plus poussée, je recommande le film de l’abbé Olivier Rioult, qui est choquant, mais pour des raisons inhabituelles.
https://odysee.com/@lasapiniere:7/ilssontnullepart:b

*Mot hébreu qui signifie : culot monstrueux. Un autre exemple : le psychanalyste Gérard Miller qui avait déclaré sur le plateau de Laurent Ruquier que la France doit autant à l’islam qu’au catholicisme.
Pour d’autres exemples, il suffit de voir Olivier Véran ouvrir la bouche.

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